Le tombeau d'Alexandre
vie était un enfer.
Un semi-remorque apparut sur la voie d’en face. Elle referma les mains sur le volant et déboîta devant lui. Mais elle heurta la butée de la bande médiane, sa voiture rebondit et elle redressa sa trajectoire. Le conducteur du semi-remorque lui montra le poing en klaxonnant. Pas maintenant. Pas encore. Elle n’avait pas seulement perdu son mari quand elle avait perdu Pavlos. Elle avait perdu son honneur. Dragoumis était en route pour Alexandrie. Loin de sa terre natale, il allait être vulnérable. On racontait qu’on pouvait tout acheter dans les quartiers malfamés du Caire. Le Caire n’était qu’à deux heures de là, au sud. C’était le moment de vérifier le bien-fondé de cette rumeur.
Elena avait une dette de sang à régler.
Chapitre 31
I
Il avait plu pendant la nuit. Les routes étaient sombres et glissantes. Les quelques voitures que Mohammed croisait envoyaient dans ses phares des gouttes d’eau étincelantes comme des diamants. Avant même d’avoir atteint la banlieue d’Alexandrie, l’entrepreneur avait senti le stress lui vriller la colonne vertébrale. Courbé au-dessus de son volant, il regardait sans cesse sa montre et son compteur. Il n’osait pas pousser le camion et son chargement au-delà de soixante-dix kilomètres-heure, mais il ne voulait pas non plus être en retard. Nicolas avait insisté pour qu’il soit à Siwa ce soir, dès le coucher du soleil.
Cela faisait des années qu’il n’avait pas transporté un engin de cette taille et de ce poids, mais il retrouva rapidement la main, surtout une fois sur la route menant à Marsa Matrouh, qui était large et toute droite. Il sortit la photo de Leila de son portefeuille et la posa sur le tableau de bord pour se rappeler pourquoi il faisait cela. Une voiture de police apparut au loin dans son rétroviseur et ralentit lorsqu’elle arriva à sa hauteur. Il garda les yeux sur la route et elle finit par accélérer. Son cœur reprit un rythme normal.
Il posa un doigt sur la photo de Leila. Si tout se passait bien, la chimiothérapie et la radiothérapie commenceraient demain. La pauvre petite était dans un état si grave qu’il n’y avait pas de temps à perdre. Le docteur Rafai et son équipe médicale empoisonneraient son organisme de façon délibérée et systématique. Dans environ deux semaines, si Allah le voulait, ils prélèveraient de la moelle dans le bassin de Basheer, en retireraient les particules de sang et d’os, et l’injecteraient dans le corps de Leila. Si la greffe prenait, une longue période de tests, de traitement et de rééducation s’ouvrirait. Il faudrait au moins un an avant d’être sûr du succès de l’opération. En attendant, Mohammed n’avait pas d’autre choix que de faire ce que Nicolas lui demandait. Celui-ci lui avait dit clairement que ce qui lui avait été accordé pouvait tout aussi bien lui être repris.
Mohammed avait bien une pelleteuse sur le site de construction. Le plus difficile avait été de dénicher un camion à plateau assez robuste pour la transporter. Aucun de ses fournisseurs habituels n’avait pu lui en louer un. Il avait passé des heures au téléphone. Il avait appelé ses amis et les amis de ses amis jusqu’à ce qu’il finisse par en trouver un. Ensuite, il avait dû remplir les papiers, aller le chercher, l’amener sur le site et charger la pelleteuse – seul. Nicolas lui avait bien précisé que personne d’autre ne devait être au courant de ce qu’il s’apprêtait à faire.
Et pendant tout ce temps, Mohammed s’était demandé pourquoi le sponsor grec avait besoin de cet équipement à Siwa. Aucune des réponses auxquelles il avait pensé ne l’avait rassuré. Peu à peu, le soleil levant projetait sur la route son ombre déformée, sur laquelle il roulait avec d’affreux pressentiments.
II
C’est surtout au petit matin et en fin de journée que le désert est beau. Le soleil oblique, dont la chaleur est moins intense, crée un paysage clair-obscur sur les dunes dorées. Mais dès qu’il atteint une certaine hauteur, tout devient plat et monochrome. Et la lumière éclatante est aveuglante, surtout dans les zones où le sable est recouvert de cristaux de sel issus d’une mer disparue depuis longtemps. Alors on plisse les yeux, la bouche pâteuse à cause de la déshydratation, et on avale en permanence de l’eau chaude, même si cela ne soulage pas vraiment.
La piste que Knox et Rick avaient
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