Le tombeau d'Alexandre
conteneurs scellés. Dans quelques jours, notre butin sera à Thessalonique et nous n’aurons plus qu’à annoncer la nouvelle.
— Annoncer la nouvelle ? Vous n’y pensez pas ! Tout le monde saura que nous l’avons volé.
— Et alors ? demanda Nicolas. Personne ne pourra le prouver, surtout lorsque vous aurez déclaré que la Fondation archéologique macédonienne a fait cette découverte dans les montagnes de Macédoine. Vous êtes une archéologue réputée. Votre parole ne sera pas mise en doute.
— Je n’arrive pas à y croire ! protesta Elena. Ce serait une farce internationale.
— Je ne vois pas pourquoi. S’il est possible qu’Alexandre ait une tombe à Siwa, pourquoi pas en Macédoine ?
— Nous avons une explication en ce qui concerne Siwa : le message crypté.
— En effet, reconnut Philippe. Et que dit-il exactement ? Que des porte-bouclier ont préparé une tombe pour Alexandre sur la terre de son père. Et qu’ils ont traversé le désert pour y déposer la dépouille. Cette explication vaut pour Siwa, bien sûr. Amon était le père divin d’Alexandre et Siwa se trouve de l’autre côté du désert occidental. Mais elle vaut aussi pour la Macédoine. Philippe était le père mortel d’Alexandre et les porte-bouclier auraient dû traverser le désert du Sinaï pour atteindre notre région.
Elena resta bouche bée. Si elle ne pouvait nier la logique de ce raisonnement, elle était consternée.
— On finira par apprendre la vérité, murmura-t-elle.
— C’est bien ce qu’on espère ! s’exclama Nicolas.
— Comment cela ?
— Imaginez la réaction des Macédoniens quand Athènes ou la communauté internationale essaieront de leur arracher ce qu’ils auront mis des siècles à récupérer ? Ils ne se laisseront pas faire.
— Cela provoquera une guerre, comprit Elena, stupéfaite.
— Exactement.
Elena se tourna vers Philippe.
— Je pensais que vous étiez un homme de paix, lui dit-elle.
— Et vous aviez raison. Mais toute nation a le droit de se défendre. Y compris la Macédoine.
IV
Richard était mort sur le flanc est de la dépression de Siwa, à trois heures de route de la ville de Siwa. Gaëlle et ses guides suivirent la route de Bahariya sur une centaine de kilomètres puis prirent la direction du nord. Le paysage était magnifique, bien que légèrement sinistre. De hautes falaises se dressaient, semblables à celles de Douvres, au-dessus de la Grande Mer de sable. Il n’y avait pas de verdure ici. Un serpent blanc s’éloigna en ondulant le long d’une dune abrupte. Gaëlle n’aperçut aucun autre être vivant. Ils ne croisèrent pas même un oiseau.
Une fois le camion garé, ils marchèrent cinq minutes pour atteindre l’endroit précis où Richard était tombé. Celui-ci était indiqué par un petit cairn au pied d’une immense falaise. Sur la pierre du haut, le nom entier du défunt, Richard Josiah Mitchell, avait été grossièrement gravé. Gaëlle se rappela que son père avait toujours détesté qu’on l’appelle Josiah mais que ses amis les plus proches, sachant cela, s’étaient empressés de lui donner ce prénom pour le taquiner. Elle ramassa la pierre et demanda aux guides si c’étaient eux qui l’avaient gravée. Ils secouèrent la tête en laissant entendre que c’était sans doute l’œuvre de Knox. Elle la reposa où elle l’avait trouvée avec perplexité.
Mustafa lui expliqua que Zayn et lui s’étaient précipités en bas de la falaise et qu’ils avaient trouvé son père mort, couvert de sang. Ils avaient proposé à Knox de l’aider à charger le corps dans le camion, mais celui-ci les avait rabroués.
Gaëlle se retourna vers l’endroit où ils s’étaient garés.
— Ce camion-là ? demanda-t-elle.
— Oui.
Elle fut prise d’un léger vertige.
— Le corps de mon père était dans votre camion ?
Mustafa se sentit un peu penaud. Il lui dit à quel point Zayn et lui estimaient son père, dont la mort avait été une véritable tragédie. Pendant qu’il lui parlait, Gaëlle leva les yeux sur la falaise abrupte, qui s’élevait loin au-dessus d’eux. A la fois étourdie et nauséeuse, elle en eut des fourmillements dans les orteils. Elle n’avait jamais aimé l’altitude. Elle recula d’un pas, trébucha et faillit tomber. Zayn la rattrapa par un bras et elle retrouva l’équilibre.
Elle avait toujours le vertige lorsqu’elle grimpa en haut de la falaise avec Mustafa.
Weitere Kostenlose Bücher