Le tombeau d'Alexandre
Zayn avait préféré rester dans le camion, au cas où il y aurait eu des voleurs. Elle avait étouffé un petit rire lorsqu’il avait donné ce prétexte. Des voleurs ! Ils n’avaient pas vu âme qui vive sur soixante-quinze kilomètres. Mais elle ne pouvait pas lui en vouloir. La chaleur croissante et la déclivité du terrain rendaient l’ascension bien plus difficile qu’elle ne l’avait imaginé. Il n’y avait pas de sentier, mais uniquement des rebords étroits, trop sablonneux pour fournir une prise stable. Mustafa marchait en tête. Il semblait danser d’un pied sur l’autre dans ses tongs usées, nullement gêné par son épaisse djellaba blanche ni par son sac volumineux, cinq fois plus lourd que celui de Gaëlle. Dès qu’il avait suffisamment distancé la jeune femme, il s’accroupissait comme une grenouille sur un rocher pour fumer une de ses infectes cigarettes en la regardant gentiment essayer de le rattraper. Elle était de plus en plus indignée. Les hommes de son âge n’étaient pas censés être en si bonne forme lorsqu’ils ingéraient autant de goudron. Ne savait-il donc pas qu’il aurait dû être une véritable épave ? Elle lui jeta un regard mauvais. Il répondit chaleureusement en lui faisant signe de la main. Malgré ses chaussures en cuir, elle avait mal aux pieds. De plus, ses mollets et ses cuisses tremblaient sous l’effort. La soif lui rendait la bouche pâteuse. Elle arriva enfin jusqu’à lui, s’effondra, sortit sa bouteille et but une grande gorgée d’eau.
— C’est encore loin ? gémit-elle.
— Plus que dix minutes.
Elle le regarda d’un air suspicieux. Il disait ça à chaque fois.
V
Au début, la tempête de sable ne fut pas très violente. Rick s’adossa à nouveau sur son siège avec un sourire de soulagement.
— Ce n’est pas si terrible, fit-il remarquer à Knox.
— À condition que ça n’empire pas, répondit celui-ci.
Il faisait encore assez clair pour voir la piste, malgré le sable projeté contre les portières et les vitres. Il y avait deux grandes catégories de tempêtes de sable. La première était en réalité une tempête de poussière, qui emportait le sable à des dizaines de mètres au-dessus du sol. Elle bouchait la lumière du soleil et désorientait les automobilistes sans être particulièrement violente. La seconde – et celle qui s’était abattue sur eux en faisait partie – était une véritable tempête de sable, un vent cinglant qui balayait les grains de sable le long des dunes et les propulsait comme de la mitraille.
Rick ne tarda à regretter son optimisme. La jeep, fouettée par le vent, se balançait sur ses suspensions en grinçant. La carrosserie et le pare-brise se heurtaient constamment à un barrage de sable d’une force extrême, qui semblait vouloir passer au travers du verre. La visibilité diminuait de plus en plus et Knox ne voyait quasiment plus la piste. Il dérapait dans le sable mou qui s’accumulait sous ses roues, et sur des rochers pointus menaçant de faire éclater les pneus. Il rétrograda en première et avança au pas.
— On devrait peut-être s’arrêter, suggéra Rick.
Knox secoua la tête. S’ils s’arrêtaient ne serait-ce qu’une minute, le sable s’engouffrerait sous les pneus jusqu’à ce qu’ils soient bloqués. Ensuite, ils devraient désensabler les roues et affronter la tempête de toute façon ou bien attendre que le sable les enterre complètement et que d’hypothétiques secours viennent les tirer d’affaire.
Le vent était de plus en plus fort. La jeep cahotait d’avant en arrière. Soudain, les roues gauche s’enfoncèrent dans un trou. Une rafale souleva la voiture et faillit la renverser sur le toit.
— Bon Dieu ! s’exclama Rick en se penchant de l’autre côté, cramponné à la poignée de sa portière jusqu’à ce que la jeep retombe sur ses quatre roues. Tu as déjà vu une tempête comme celle-là ?
— Oui, répondit Knox.
— Ça dure combien de temps ?
— La plus longue que j’aie connue a duré huit jours.
— Tu te fous de moi !
Knox se laissa aller à sourire. Il était rare que Rick perde son sang-froid.
— Tu as raison, admit-il. Elle n’a pas dû durer plus de sept jours et demi.
VI
Une bouffée de tabac irrita la gorge sèche de Gaëlle et la fit tousser. Mustafa tendit la main à la jeune femme et écrasa son mégot dans la poussière avec sa tong. Gaëlle versa un peu d’eau dans sa
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