Le tombeau d'Alexandre
paume, se mouilla le front et se releva difficilement.
— C’est encore loin ? demanda-t-elle.
— Plus que dix minutes, répondit Mustafa impatiemment.
Elle se mordit les lèvres et se promit de ne plus lui donner la satisfaction de poser cette question. Épuisée, elle le suivit dans un couloir à flanc de falaise. Au bout d’un moment, l’horizon s’élargit et elle put voir les reflets dorés du désert à des dizaines de kilomètres à la ronde.
— Vous voyez, dit Mustafa en faisant virevolter sa main dans les airs. Dix minutes.
La falaise était décidément très haute. Gaëlle s’approcha prudemment du bord. Une vire ridiculement étroite longeait le précipice pour rejoindre une autre gorge. Ce n’était pas tant un sentier qu’une succession de prises.
— Vous avez traversé ça ? demanda-t-elle.
Mustafa haussa les épaules. Il retira ses tongs et marcha rapidement le long de la vire, la main gauche contre la falaise. La plante de ses pieds se fondait dans les minuscules prises. Il délogea une petite pierre. En se tenant précautionneusement, Gaëlle se pencha pour la suivre dans sa chute et la vit heurter une partie saillante de la paroi avant de rebondir pour tomber tout en bas. Elle discernait à peine le cairn au pied de la falaise.
Mustafa arriva de l’autre côté.
— Vous voyez, dit-il en souriant. Ce n’est rien.
Elle ne pourrait jamais le faire. Elle n’avait pas un grand sens de l’équilibre et ses chevilles lui faisaient mal. Elle aurait déjà eu des difficultés au niveau du sol, alors là... Mustafa haussa les épaules et traversa la vire dans l’autre sens. Elle eut des frissons rien qu’à le regarder. Il lui posa la main sur l’épaule pour l’encourager. Elle posa timidement le pied gauche sur la première prise et ramena le pied droit à côté. Elle regarda pendant une éternité l’endroit où elle était désormais censée poser le premier pied. Elle se lança et fit encore un pas. Mais soudain, tout se voila autour d’elle. Le paysage semblait s’éloigner puis lui sauter à la figure. Elle aurait voulu revenir en arrière mais ne pouvait pas bouger. Elle ferma les yeux, se pressa contre la falaise et étendit les bras pour garder l’équilibre. Ses doigts et ses orteils s’anémièrent, ses genoux menaçaient de se dérober sous elle. A cet instant, elle comprit ce qui était arrivé à son père et le rôle qu’avait joué Knox. Elle éclata en sanglots en voyant à quel point elle s’était trompée sur eux, sur tout.
— Je ne peux pas faire ça, gémit-elle. Je ne peux pas.
Mustafa lui prit la main et l’attira en lieu sûr.
— Vous voyez, dit-il avec son éternel sourire. C’est tout ce que Knox avait à faire.
Elle le regarda en secouant la tête et s’effondra dans une cuvette d’où il était impossible de tomber. Elle s’allongea sur le dos, un bras sur les yeux, et sentit les larmes lui couler sur les joues. L’assurance vie de son père prévoyait une prime rondelette en cas de mort accidentelle. Sa mère avait ri avec jubilation lorsqu’elle en avait été informée. Cet argent avait permis à Gaëlle de s’acheter un appartement. Un appartement ! Elle se sentit misérable. Elle se releva péniblement et, les jambes en coton, suivit Mustafa en silence jusqu’au pied de la falaise.
Chapitre 32
I
Knox et Rick avaient l’impression d’être battus depuis des heures par la tempête de sable. Le vent gémissait, criait, grondait comme de furieuses harpies griffant la carrosserie pour se jeter sur eux. De plus, le moteur commençait à fatiguer et le radiateur crachotait de façon suspecte. Mais la tempête finit par s’apaiser. Puis, en quelques minutes, le vent tomba complètement, comme si rien ne s’était passé. Autour d’eux, il n’y avait que le désert. Visiblement, ils étaient sortis de la piste, qui avait du reste complètement disparu sous le sable. Ici, les points de repère étaient rares et ils n’avaient ni GPS ni carte pour s’orienter.
— Tu sais où on est ? demanda Rick.
— Non.
— Bon Dieu, qu’est-ce qu’on va faire, alors ?
— Ne t’inquiète pas, on ne doit pas être loin de la piste.
Knox s’arrêta, sortit et monta sur le capot de la jeep pour scruter l’horizon à travers ses jumelles. Quand on ne connaît pas le désert, on pense que c’est un paysage plat et monotone, dépourvu de personnalité et de caractéristiques propres. Mais quand on l’a
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