Le tombeau d'Alexandre
ramassa le Walther et le pointa vers lui, mais les roues arrière quittèrent le bord de la jetée et le camion plongea. Le châssis crissa contre le mur du canal. Le chargement fit contrepoids et la cabine s’éleva dans les airs en pivotant sur le rebord de la jetée. Nicolas cria en voyant le camion basculer et s’enfoncer dans l’eau. Le cercueil en or d’Alexandre et son couvercle furent propulsés comme deux béliers contre les portes arrière, qui sortirent de leurs gonds. Ils tombèrent dans le canal et sombrèrent librement au fond de l’eau.
Le camion dansa sur l’eau puis revint à l’horizontale. Sans le poids du cercueil en or, il contenait suffisamment d’air pour flotter. Nicolas essaya d’ouvrir sa portière, mais la pression l’en empêcha. Alors il baissa la vitre et l’eau s’engouffra avec des remous d’écume argentée. Il tenta de sortir par la fenêtre mais Knox l’attrapa par la cheville, remonta la vitre et le bloqua au niveau de la taille. La cabine s’inclina un peu sur le flanc et Nicolas se retrouva emprisonné sous l’eau. Il se débattit férocement mais ne parvint pas à se dégager. Knox pensa à sa sœur, à ses parents, à Rick, et son cœur ne flancha pas. Une éternité s’écoula avant que Nicolas ne cesse définitivement de remuer. Knox baissa à nouveau la vitre, poussa le corps inerte et sortit à la nage en prenant soin de rester derrière le camion. L’eau polluée lui brûlait les yeux ; il dut se diriger à tâtons. L’or avait dû couler directement au fond du canal et s’enliser dans la vase. En revanche, la dépouille d’Alexandre s’était sans aucun doute échappée du cercueil. L’eau corrosive avait déjà dû ronger la peau parcheminée. Le squelette fragile avait peut-être été pulvérisé par la force de l’impact du cercueil contre les portes d’acier. Knox entrouvrit les yeux un instant et – son imagination lui jouait-elle des tours ? – il lui sembla apercevoir les deux orbites vides d’un crâne couronné d’un diadème de rubis. Ils se fixèrent un instant, puis le crâne parut se coucher sur le côté, tandis que des bulles d’air s’en échappaient comme un dernier souffle de vie, avant de tomber en spirale dans l’obscurité.
Knox secoua la tête pour ne pas se laisser distraire. Il n’avait pas de temps à consacrer aux morts. Gaëlle avait besoin de lui. Les portes arrière du camion avaient été complètement arrachées. L’eau remplissait déjà les deux tiers de l’espace et continuait à monter. Tout ce qui se trouvait à l’intérieur avait été envoyé par le fond, y compris Eneas. Tout, sauf Gaëlle, sauvée par la corde qui la retenait à la rampe, comme Knox l’avait espéré. Elle tendait son visage vers le haut pour pouvoir respirer. Knox essaya de défaire ses liens mouillés mais il n’avait pas de prise. Le niveau montait sans cesse. Elle se retrouva la tête sous l’eau. Enfin, la corde commença à se dénouer suffisamment pour que Knox puisse passer un ongle, puis un doigt. Soudain, Gaëlle parvint à se dégager entièrement. Dans le camion presque rempli d’eau, Knox lui prit la main et ils sortirent avant de nager vers la surface. Au moment où ils purent enfin reprendre leur respiration, le camion disparut sous l’eau en crachant le peu d’air qu’il lui restait.
Knox et Gaëlle furent accueillis par une rangée d’hommes braquant leur arme sur eux le long de la jetée. Nessim leur indiqua un escalier. Knox, qui avait trouvé la force de lutter jusqu’à maintenant, n’avait plus d’espoir. Il savait que sa fin était proche, mais peut-être pouvait-il encore donner une chance à Gaëlle. Il nagea avec lassitude jusqu’à l’escalier et aida Gaëlle à sortir de l’eau. Elle lui prit la main. Il essaya de l’en empêcher, de s’éloigner d’elle, mais elle comprit ce qu’il essayait de faire et refusa de le lâcher. Ils gravirent les marches ensemble, en silence, en se tenant la main pour se donner du courage.
— Suivez-moi, ordonna Nessim.
Knox avait si mal à la jambe qu’il ne pouvait pas s’empêcher de boiter. Les hommes d’Hassan étaient en train de sortir les corps des 4 x 4. L’un d’eux ouvrit une portière arrière et Vasilieos s’effondra en emportant son AK-47 dans sa chute. Tous les hommes pointèrent leur arme en direction du bruit en retirant la sécurité. Lorsqu’ils eurent compris qu’il n’y avait pas de danger, quelqu’un
Weitere Kostenlose Bücher