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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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main.
    — Merci. Merci Roger et bonne chance.
    — Merde. Faut dire merde.
    — Merde !
    7 h 20 - Compiègne gare (wagon métallique).
    — Allons ! Ne pas bouger. Ne pas parler.
    L’interprète s’éloigne.
    Le carré de cent hommes, formé devant le seul wagon métallique du convoi, casse le garde-à-vous, se relâche, s’étire. Au dernier rang, un grand sec, couverture brune en collier, lance :
    — On est des petits vernis. Un wagon tout neuf !
    Au premier rang, André Gonzalès, tête baissée, fixe le marchepied :
    — Dis donc le gosse…
    André ne répond pas.
    — Oui, toi ?
    — Que voulez-vous ?
    Le prisonnier qui l’a interpellé se tient trois places à droite.
    — Change avec moi… Merde. Trop tard. Ils se ramènent.
    L’interprète encadré de deux soldats se glisse entre le wagon et la première ligne du carré :
    — Je crois que vous avez déjà été prévenus…
    Il parle sans accent. Il n’a guère plus de trente ans. Peau blanche, petit nez :
    — Vous connaissez le tarif : une tentative d’évasion, on vous tasse à deux cents là-dedans et à poil… une évasion : dix fusillés. Deux : tout le wagon. C’est le règlement. Il sera respecté. Que ceux qui ont des couteaux ou des objets en métal les laissent tomber par terre. Aucun mal ne leur sera fait. Si après je trouve un couteau… le fautif et ses deux voisins seront fusillés. Voilà, je passe derrière… laissez tomber les couteaux. Je ne regarde pas.
    L’interprète et les deux soldats contournent le groupe.
    — Pas de couteaux ? Rien n’est tombé. Très bien nous verrons tout à l’heure.
    Sa voix est douce, calme.
    — Embarquez !
    André Gonzalès monte en troisième position. Il entend derrière lui un homme dire :
    — Mais ils sont cons, on va jamais tenir à cent là-dedans…
    André Gonzalès se cale dans le coin arrière droit. Ombre. Atmosphère lourde, moisie. Les arrivants se découpent en ombre chinoise sur le rectangle de lumière dessiné par la porte. Paroi tiède. Des phrases. Des dizaines de phrases identiques :
    — Ça y est !
    — Vas-y.
    — Fais attention. On est à l’étroit. C’est le métro. Des sardines.
    — Quelle chaleur !
    — Enlève ton tricot.
    — Me bousculez pas…
    L’interprète pousse sa voix :
    — Très bien ! Un peu de place encore.
    Les deux soldats, crosse en avant, ouvrent une brèche d’un mètre dans le centre du wagon. L’interprète grimpe. Il enlève sa casquette.
    — Dernier. Dernier avertissement. Je vais faire passer ma casquette ; mettez à l’intérieur l’argent que vous avez pu cacher, les couteaux et tous les objets qui pourraient être utilisés pour une évasion.
    Gonzalès pense que cet officier a certainement suivi une partie de ses études en France.
    La casquette se promène au-dessus des têtes et revient, vide, entre les mains de son propriétaire.
    — Très bien ! Nous allons vous fouiller.
    Il parle allemand. Les deux soldats écartent aussitôt de la crosse, mais sans brutalité, quelques poitrines.
    L’interprète avance, se baisse et ramasse sur le plancher un couteau.
    — Celui-là ? Dehors !
    L’homme désigné – quarante ans, brun de peau, taille moyenne, tricot bleu foncé – est soulevé de terre par les deux soldats…
    — Mais c’est pas à moi !
    … qui d’une violente poussée le précipitent sur le ballast. Les soldats maintenant s’acharnent sur le détenu couché ; sur sa tête surtout. Une dizaine de coups de crosse portent sur le crâne, la face. Il n’a crié que deux fois.
    Pendant la « séance », l’interprète a disparu.
    Les gardiens désignent deux prisonniers qui sautent sur le quai et chargent le blessé.
    La porte métallique glisse, claque.
    La nuit.
    Cinq, six faisceaux de lumière, éblouissants, minuscules, partent de l’encadrement des lucarnes et des portes coulissantes, pour frapper en éventail la houle des têtes.
    — Mais on y voit rien.
    — Faut ouvrir les lucarnes.
    — Serrés comme ça, on ne va jamais tenir le coup.
    Les yeux s’habituent à la pénombre.
    — Le type tabassé est en train de crever. Ça pisse le sang.
    — Faudrait un toubib. Y a pas de toubib ?
    — Je vous dis qu’il va perdre tout son sang. J’en ai plein les jambes.
    — Couchez-le !
    — Y a pas de place.
    — Si je tenais ces salauds.
    Une voix grave, puissante, ordonne le silence.
    — Laissez-moi passer. Je vais m’occuper du

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