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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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blessé.
    André Gonzalès ferme les yeux : le sourire de sa mère ; une rivière, un lapin blanc.
    — Au lxix départ du camp, Kienzler, Rohmer, le professeur Vlès et moi, nous étions bien décidés à ne pas nous séparer. À la gare, la catastrophe se produit. On coupe les rangs pour monter dans les wagons, et nous nous retrouvons Kienzler et moi, ainsi que quelques camarades d’Eysses, tandis que nos deux amis montent dans le wagon contigu. Le nôtre a un toit hémisphérique, c’est-à-dire qu’il doit contenir vingt-cinq pour cent de plus d’air ; mais il doit y avoir cent détenus par wagon. Petite harangue d’un Allemand sur les dangers des évasions individuelles pour ceux qui « restent ». Je suis dans le fond et comme je suis le plus grand c’est moi qu’il fouille. J’ai toujours eu ce genre de malchance relative. Il trouve une petite boîte de médicaments d’urgence, m’engueule, me les laisse et sourit… Il sait lui…
    — Il y a un petit tonneau d’eau devant la porte et une tinette. Michaut, Kienzler, Dartout et moi, nous prenons la direction du troupeau enfermé du wagon. C’est un réflexe hérité d’Eysses… Les mots d’ordre : tout le monde assis, collés les uns contre les autres ; ainsi les torses étant à peu près au même niveau, l’air sera également réparti. Les vêtements par terre et non accrochés pour ne pas retenir l’air qui circule. Cela c’était le plus difficile parce qu’il y a des méticuleux qui craignent pour les plis d’un manteau. Une distribution d’eau toutes les deux heures ; un demi-verre ; ration double pour le plus vieux et le plus jeune. Toutes les déjections devront être jetées par la fenêtre. La chaleur est épouvantable : un ancien militaire ne veut pas s’asseoir et prend mon poing dans la figure. Seuls Fuchs nous domine, installé fiévreux à cheval sur le tonneau. Le Propidon joue son rôle. Il surveille l’eau.
    7 h 30  – Compiègne gare (wagon Rohmer).
    — D’après nos calculs lxx , ce petit wagon à toit plat nous est destiné. « Chic, me déclare mon voisin, nous n’y serons qu’à cinquante, car il est plus petit que les autres et il n’est pas possible qu’on nous y enferme à cent. » Quelle illusion ! Comme convenu avec Rollot, dès l’ordre lancé, je me précipite, saute d’un bond dans le wagon et l’aide à grimper puis, ensemble, nous hissons le professeur Vlès (dont les gestes sont malheureusement entravés par sa couverture enroulée en bandoulière et qui a glissé.) avant que le SS n’ait eu le temps d’intervenir. Armand, par contre, a manqué son élan, il glisse le long du ballast, sa musette tombe à terre, il veut la ramasser, une grande brute en profite pour lui assener de grands coups de crosse dans les reins, agrémentés de hurlements sonores. On le hisse avec peine. À cinquante nous remplissons le wagon, mais il faut se serrer en toute hâte, car un deuxième groupe de cinquante doit monter. On se comprime et la porte coulissante est fermée. Pas pour longtemps, un sous-officier monte avec deux feldgendarmes et commence le petit discours d’usage d’un ton doucereux. Le crâne carré, la nuque rasée, les lunettes à monture de fer, il me rappelle les dessins de Hansi. Mais ce n’est pas le moment de sourire : « Ceux qui ont des couteaux…» Pas de réponse. Le ton s’élève et subitement il hurle : « Je sais que vous en avez », et empoignant le premier venu, le fouille, lui bourrant les côtes de coups de crosse de revolver ; il frappe à gauche et à droite. Enfin il brandit victorieusement un clou qu’il vient de trouver dans une poche. Pris de peur, quelques détenus lui tendent, l’un un couteau, l’autre une lime… et l’on entend tomber sur le plancher quelques objets encombrants dont les prisonniers cherchent à se débarrasser. La fouille est terminée. Le SS nous fait les dernières recommandations. « Dès la moindre tentative d’évasion, les sentinelles tireront ; pour toute évasion, on choisira un certain nombre d’entre vous, au hasard et ils seront fusillés immédiatement. Vous avez compris ? » Nous avons tous compris. Le voyage s’annonce bien. Il repart en éructant quelques injures, accompagné de ses sbires, qui ont l’air très heureux. Il repousse la porte ; à grands coups de marteau. Il la verrouille. Les parois résonnent : notre cercueil est fermé…
    — Nous sommes enfermés à cent dans un wagon

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