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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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forces les survivants, abrutis d’émotion et de terreur, pensèrent à sauver les mourants. Par trois ou quatre, ils prenaient les moins touchés, les portaient à la fenêtre pour leur faire respirer l’air pur et frais du soir. Je leur ai entendu dire des choses extraordinaires à leurs camarades pour les obliger à vivre. Il devait y avoir autour de nos lucarnes d’admirables visages de Français.
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    Dans cette chaîne d’aliénés, quelques maillons – aussi surprenant, aussi incompréhensible que cela puisse paraître – échappent au drame collectif. Huit wagons, ayant surmonté cette étape rémoise, atteindront Dachau sans avoir perdu un seul voyageur et pourtant…
    16 h 35 – 20 heures  – Reims, voie de garage (wagon Bent-Solladié).
    — J’ai personnellement clxxxii sauvé (pour un temps) un autre jeune homme, que je ne connaissais pas ; il était en train d’étouffer, le teint verdâtre, la bave aux lèvres et les yeux révulsés ; je l’ai attrapé comme j’ai pu et l’ai tiré, parmi les autres avachis au fond du wagon, jusqu’au bord de la porte coulissante, où l’air arrivait. À l’aide de mon mouchoir mouillé je lui ai frotté la figure et même donné des petites gifles, en le tenant sur les genoux. Là il reprit ses couleurs et la respiration devint normale ; il était sauvé. Je crois me souvenir qu’il s’appelait Copenague et j’ai appris par la suite qu’il s’agissait d’un droit commun ; il avait, en compagnie d’un nommé Petit, attaqué et volé une femme seule à Larçay (Indre-et-Loire) en s’affublant d’un calot et d’une veste militaire allemands. À la fin 1945, ce Petit a d’ailleurs été condamné pour le délit mais on n’a jamais retrouvé son comparse ; il est sûrement mort en déportation. Je n’avais fait, en le sauvant, que retarder l’échéance.
    — La température clxxxiii normale de l’homme se maintient aux environs de 37°. Nous possédons un système thermorégulateur qui nous permet de supporter le grand froid ou la chaleur intense sans que notre température centrale s’abaisse ou s’élève dans des proportions dangereuses pour le bon fonctionnement de notre organisme. Nous nous garantissons contre la chaleur par l’évaporation de la sueur et par l’augmentation du nombre et de l’amplitude des mouvements respiratoires. Dans le wagon nous suions à grosses gouttes, mais par suite du manque de ventilation et de la surcharge progressive de l’atmosphère en humidité, notre sueur ne s’évaporait pas. Tout notre système thermorégulateur était faussé. Notre température centrale montait. Nous nous transformions en homéothermes. Quand on sait qu’à 39° certains malades commencent à délirer, et qu’à ce degré certains fébricitants perdent le contrôle de leurs actes, on commence à comprendre ce qui s’est passé dans le convoi de la mort. En outre, l’eau que nous perdions rapidement par la sueur n’était pas remplacée dans l’organisme. Or, nos cellules ont besoin d’eau et de sodium que nous perdions brutalement avec la sueur.
    — Ayant vécu en Afrique, médecin dans des unités méharistes, je connaissais les symptômes qui accompagnent le coup de chaleur et je prévoyais ce qui pouvais arriver, et ce qui, malheureusement, arriva dans presque tous les wagons, Je réussis à faire comprendre aux camarades de mon wagon que l’eau était une denrée précieuse qu’il fallait ménager. Une garde vigilante s’installa auprès de la petite barrique. L’eau était distribuée en petite quantité et à intervalles. Dans mon wagon, nous n’eûmes pas de morts. Les scènes de folie sanguinaire collective pourraient trouver une autre explication. Sous l’influence de l’élévation de la température interne, notre cerveau réagissait aux excitations caloriques exactement comme réagit celui du chat d’expérience. Selon la zone excitée électriquement, le chat reste inerte, amorphe ; ou bien, au contraire, devient comme fou furieux, mordant, bavant, sautant toutes griffes dehors.
    — Que convenait-il de faire alors ? Au Sahara, une injection sous-cutanée de sérum salé suffisait à faire cesser ces crises. Dans le train, à défaut d’injection de sérum difficilement praticable, il aurait suffi de distribuer simplement de l’eau et de faire absorber par la bouche un sel de sodium (chlorure ou bicarbonate).
    16 h 35  – 20 heures  – Reims, voie de garage (wagon

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