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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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d’un médecin et que je ne comprenais plus rien à la condition humaine. Il me répondit quelque chose comme ;
    — Vous êtes Juif, cela ne vous suffit-il pas ?
    Je lui répondis que je n’étais pas Juif, mais chrétien jusqu’à ce jour, mais que maintenant je n’étais plus rien du tout, que je ne pouvais croire ni en Dieu ni aux hommes. Je me souviens qu’il ne me répondit plus rien, mais qu’il me laissa boire de l’eau à volonté et qu’il ne me marqua aucune violence. Pour un peu, j’aurais cru déceler en lui une attitude humaine.
    11 h 45  – Révigny (wagon Lambert).
    Avec ccxxxv deux camarades, je roulais notre fût vers le puits de la garde-barrière. Un soldat en armes nous accompagnait. Une certaine confusion régnait à cet endroit-là. Je regardais le puits : margelle de pierre, une chaîne qui s’enroulait sur un rouleau de bois, un seau de fer galvanisé. Il était situé tout près de la voie. J’ai encore devant les yeux les barrières fermées et la route qui aurait pu être pour moi le chemin de la liberté, car il m’aurait été facile de me laisser glisser vers le fond à l’aide de la chaîne et de m’agripper aux parois inégales du puits. J’eus la tentation de descendre… Or, j’avais laissé mes souliers dans le wagon.
    Il me parut que ce détail m’empêcherait par la suite de me sauver et je suivis mes compagnons.
    11 h 45  – Révigny (wagon Garnal-Mamon).
    — Descendez !
    Ils comptent les morts.
    — C’est alors ccxxxvi que nous leur avons signalé la présence, à l’autre bout du wagon, de notre camarade Guitard qui gisait blessé. Un des gradés SS s’est alors retourné vers nous et a crié : « Zwei Mann ! » (deux hommes). Ceux d’entre nous qui comprenaient l’allemand se sont avancés. Ordre leur a été donné d’aller chercher le blessé et de l’amener au bord du wagon. Cet ordre a été exécuté ; lorsque notre infortuné camarade a été placé au bord du wagon, le gradé SS a hurlé aux deux hommes un « Raus » retentissant, en même temps qu’ils dégainait son arme. En l’espace d’une seconde, deux coups de feu ont été tirés à bout portant sur Guitard, en pleine tête, et ce devant les vingt-quatre survivants de notre compartiment. Ordre nous a été donné de remonter dans les wagons et le cadavre de Guitard est allé rejoindre les soixante-quinze autres morts. Les gardiens ont ricané devant les morts. Dans leur langue ils ont plaisanté et fait des jeux de mots. Un des survivants qui comprenait l’allemand nous traduisit le trait d’esprit d’un des gardes devant le tas de cadavres de notre propre wagon : « C’est une véritable organisation Todt. » Cette phrase était terrible lorsqu’on sait que ce mot allemand veut aussi dire « mort ». Point de comparaison, en effet, avec l’organisation du même nom, organisation paramilitaire pour la construction des routes et fortifications.
    11 h 45  – Révigny (wagon Fully-Thomas).
    Les trois boches ccxxxvii qui ont ouvert restent médusés, figés d’horreur à la vue de ce plancher jonché de cadavres. Mais c’est plutôt de la stupéfaction que du remords qu’on lit sur leurs visages. Les salauds ! On nous fait descendre, on nous aligne sur le talus, on nous compte, on nous interroge sur la façon dont le drame s’est passé ; un boche galonné arrive, discute avec les autres… Vont-ils nous fusiller ? Ils en sont bien capables. Enfin l’interprète prend la parole : « Le commandant veut bien vous croire, pour cette fois. Il vous pardonne. » (sic.)
    La pluie qui tombe à verse nous fait un bien immense. Nous revivons littéralement. On nous permet d’aller chercher de l’eau dans une ferme voisine. J’y cours avec un camarade. Un boche nous accompagne. Nous en ramenons une pleine lessiveuse. Tous se jettent dessus et boivent comme des chiens. Nous n’arrivons pas à nous rassasier.
    Enfin, on nous met dans un autre wagon, avec trente-cinq autres rescapés d’une autre voiture. Nous ne sommes donc que soixante. C’est beaucoup mieux…
    Il h 45  – Révigny (wagon Habermacher).
    Quand ccxxxviii on déchargera les cadavres, un soldat allemand, tchèque d’origine, qui faisait partie du personnel infirmier de Compiègne et me connaissait bien, ne me laissa pas remonter dans mon wagon après la corvée de morts et me fit monter dans le wagon qui était devant et qui était vide. Il me dit d’installer là un wagon de

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