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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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coule…
    *
    * *
    Il pleut ! Il fait soleil ! Le 7909 hésite, « tâte » une voie… recule, s’arrête.
    11 h 45  – Révigny (wagon Guérin-Canac).
    Les Allemands ccxxxii secouent la porte de notre voiture qui s’ouvre avec violence. « Raus ! Raus ! Los ! Los ! » – « Dehors ! Dehors ! Et en vitesse ! » Titubants, enivrés par l’air pur, nous sautons à terre. On nous range sur le bord de la voie, dans un champ de pommes de terre. Derrière nous des fusils mitrailleurs, leurs servants en position de tir. Toute évasion est impossible ; d’ailleurs nous n’avons pas la force de tenter de fuir. Nous sommes en rase campagne, loin des yeux indiscrets. Pourtant voici qu’arrive, dans le dos de nos gardes-chiourme, fort occupés à nous tenir en respect, un brave homme à vélo, sur un chemin à travers champs. Il avance, hésitant, ahuri. Mais les Allemands l’aperçoivent et l’accueillent par une bordée d’injures, ponctuées de menaces précises :
    — Retour ! Retour ! hurlent-ils.
    Le bonhomme bousculé, rudoyé, évite de justesse une chute spectaculaire, fait demi-tour et disparaît sans demander son reste. En d’autres circonstances, la scène n’aurait pas manqué de comique.
    Il pleut à torrents ; nous sommes presque nus pour la plupart ; la pluie cingle nos corps moites de sueur. Qu’importe ! Nous sommes si heureux de boire à pleines mains l’eau boueuse du fossé ! Pendant ce temps, les Allemands ont désigné quelques détenus parmi les survivants de chaque wagon pour enlever les cadavres et les entasser dans des voitures libérées à cet effet. Même les morts doivent arriver à destination.
    Nous assistons au transfert des quarante-six cadavres de notre wagon dans la voiture qui précède la nôtre. Ceux des wagons voisins y sont également entassés. Même opération tout au long du convoi. Les officiers qui surveillent le transfert trouvent que ça ne va pas assez vite. Ils injurient nos camarades qui, exténués, laissent parfois tomber involontairement les cadavres sur le ballast. Ces représentants de la prétendue « race des seigneurs » feignent de s’indigner hautement du peu de respect que nous semblons témoigner à ces morts, dont ils portent l’entière responsabilité. Les jurons et imprécations pleuvent :
    — Juden ! Lumpenvolk ! Dreckhunde ! – « Juifs ! Tas de clochards ! Salauds ! »
    Tout y passe. Mais voici qui va mettre le comble à leur fureur : du wagon voisin, quelques moribonds ont été déposés subrepticement un peu à l’écart, sur le ballast. Ils remuent à nouveau, reprennent vie. Les Allemands reviennent, les aperçoivent. En hurlant, ils tirent leur pistolet et achèvent les malheureux d’une balle dans la tête.
    *
    * *
    Les survivants ccxxxiii du wagon qui nous précède sont déjà descendus ; ils se joignent à nous sur l’ordre d’un gardien, pour nous conduire en bas du talus. Nous pensons que notre liquidation est proche. M. Loiseau nous lance discrètement un regard de mauvais augure. Partout où nous étions passés, il nous avait dit :
    — Si nous voyons les préparatifs d’une exécution, nous chanterons la Marseillaise  – il ne faut pas mourir comme des lapins.
    Il n’en fut rien ! Un gardien désigne six esclaves dont je fais partie ; deux montent dans le wagon qui nous précède, et nous font passer les cadavres pour les conduire dans le wagon que j’occupais. Il restait un moribond ; seuls ses bras s’agitaient. Le garde qui se trouvait à côté de nous lui tire une balle dans la tête… André Maire est désigné pour aller à la corvée d’eau avec un des « nouveaux camarades ». Cette opération s’effectue avec la tinette de notre nouveau wagon puisque le nôtre n’en avait pas. Cette dernière est préalablement vidée sur le ballast avant d’aller au puits du garde-barrière recueillir le précieux liquide. Les convoyeurs n’ont pas l’intention de nous faire de cadeau : ils n’autorisent pas notre camarade à laver la tinette. Maire revient avec une eau peu appétissante… Puis on nous fait remonter dans notre nouveau wagon avec nos nouveaux camarades. Les survivants des deux wagons réunis ne forment plus que quatre-vingt-six hommes.
    11 h 45  – Révigny (wagon Weil).
    Un officier ccxxxiv allemand m’avait désigné pour chercher un seau d’eau dans une maison. Il m’avait accompagné et interrogé ; je lui dis que j’étais le fils

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