Le train de la mort
soins – sorte d’infirmerie – bien entendu sans aucun moyen de traitement. Mes vêtements étant restés dans mon wagon de départ, je me trouvais là séparé de mes camarades de départ, et j’étais en short, par conséquent très reconnaissable.
Je me trouvais là avec le Père de la Perraudière, Jésuite de Tours. On me montra un certain nombre de moribonds ; quelques-uns revinrent à la vie grâce à l’air frais et d’autres restèrent dans le coma et furent débarqués ainsi en arrivant à Dachau. L’un d’eux mourut.
11 h 45 – Révigny ( wagon la Perraudière-Segelle).
Le wagon ccxxxix se remplit mais modérément. Nous n’y serons pas plus de quarante à l’arrivée. C’est dire que nous aurons eu le sort le plus enviable de tous ceux de ce terrible convoi.
On a même mis parmi nous un bien-portant : le docteur Segelle, prétendument pour s’occuper de nous.
— Que veulent-ils que je fasse ? me dit-il. Vous au moins vous pouvez exercer votre ministère, mais moi, sans médicaments je suis comme un violoniste sans violon !
11 h 45 – Révigny (wagon Liotier ).
Je récupère ccxl mes souliers dans la paille qu’on a jetée sur le quai. Je les lave à la fontaine de la garde-barrière. Ils feront bien encore quelques jours. Les peaux se déchirent et se collent aux mains des volontaires qui sont chargés du transbordement. Dans notre wagon : trente-six morts.
11 h 45 – Révigny
(wagon métallique André Gonzalès).
La porte roule.
— Tous kapout là-dedans !
— Non ! Trois vivants.
— Tous kapout !
La porte se referme.
11 h 45 – Révigny (wagon Fonfrède).
Bixel et deux déportés sont dirigés sur le wagon la Perraudière ; Fonfrède sur le wagon des « invalides ».
— Un camarade ccxli fixe avec insistance un autre détenu ce qui nous inquiète un peu car nous n’avons pas oublié les tragiques incidents de la veille. Nous sommes bientôt rassurés. Les deux hommes sont de vieilles connaissances. « Tu n’étais pas mon capitaine aux bat d’Af ? » Chacun décline son identité. « C’est bien cela. » « Ben merde… se retrouver ici, tu parles ! » À leurs yeux le soleil brûlant du sud tunisien paraît une oasis de fraîcheur au milieu de la fournaise nauséabonde où nous vivons.
Louis Lefrançois refuse de descendre du wagon ;
— Je préfère ccxlii mourir… je suis trop mal en point.
Enfin, sur les insistances de Quémerais et de Louis, j’accepte. Ils me descendent et me laissent sur le ballast. Je reste allongé, attendant des ordres ou le coup de grâce… J’assistai au débarquement de tous les cadavres. Les corps jetés à terre se déchiquetaient. C’était effrayant. Enfin un gardien vint à moi et me dirigea sur un wagon vide…
— La garde-barrière ccxliii avait l’air étonné et même ahuri devant le spectacle qui s’offrait à elle. Je me suis trouvé près d’elle à l’entrée de la cuisine. J’ai cru un instant pouvoir sauter par la fenêtre et prendre la clef des champs mais les gardiens étaient trop près. Je suis retourné vers le wagon.
15 heures – Révigny (wagon Helluy-Aubert-Villiers).
— Et nous alors ?
— Nous, il nous font mijoter pour mieux nous manger.
— Mais les autres ont eu de l’eau. Ils sont descendus. Nous rien.
— Nous, on est des condamnés à mort puisqu’on n’a pas réussi à s’évader et qu’on s’est fait prendre.
— Qu’est-ce qu’ils font ?
— Tout le monde est remonté. Je ne vois plus personne à l’extérieur.
— Merde ! Et nous alors ?…
15 h 5.
Le 7909 quitte Révigny avec ses « wagons-corbillards ».
15 h 15 – Entre Révigny et Bar-le-Duc (wagon Helluy-Aubert-Villiers ).
— Cette fois c’est pour nous ! Notre wagon est cerné. Je crois qu’ils sont tous là.
Le docteur Helluy réclame le silence. La porte s’ouvre brutalement.
Témoignage André Petit.
Ils nous firent descendre à coups de crosses et de triques en hurlant. Ils nous conduisirent dans une gravière et là un officier demanda que les saboteurs déposent leurs outils, ce qu’ils firent avec amertume. Devant cette poignée de si petites choses, il ne put s’empêcher de dire :
— Il n’y a que des Français capables de faire tant avec si peu.
C’est alors qu’il y eut une chose sublime, celui qui avait mené le travail allait se dévoiler mais, à côté de lui se trouvait un jeune instituteur, je crois, qui voulait
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