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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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français de tout poil que recèle la bonne ville de Londres. Croyez-en ma vieille expérience : cela grouille et nos bons amis anglais se font un plaisir de choyer en sous-main tout ce beau monde. Mais je suppose qu’il va être question, à présent, de notre belle comtesse…
    Il y eut néanmoins un temps d’arrêt dans la lecture des recommandations. Jeanne de La Motte risquait sa tête et une sentence de mort allait peut-être être réclamée. Ainsi l’avaient demandé deux des juges partisans du cardinal de Rohan, Saint-Vincent et Du Séjour. Aussi les treize juges appartenant au clergé qui siégeaient au tribunal durent-ils se retirer, leurs fonctions ecclésiastiques interdisant leur participation à un vote pouvant se conclure par la mort. Ils le firent de mauvaise grâce et Beaumarchais eut un petit rire.
    — Les Rohan ont bien manœuvré, dit-il. Ces treize calotins sont notoirement hostiles à leur confrère. Il vaut bien mieux pour lui qu’ils ne soient pas là quand viendra son tour.
    — Où voyez-vous une manœuvre ? Cette femme va très certainement être condamnée à mort. Son crime est aussi grave que celui de…
    — … de la jolie dame de Sainte-Assise ? Ma foi, oui… pourtant, je jurerais bien que cet âne de Joly ne va pas demander sa tête. Si la reine a eu connaissance de l’affaire du bosquet de Vénus, elle ne peut demander la mort car elle est, alors, un peu responsable de la suite de l’histoire ayant elle-même introduit la louve dans sa bergerie…
    Il avait raison. Le procureur ne demanda pas la tête de Jeanne. Il demanda :
    « Que Jeanne de Valois de Saint-Rémy, comtesse de La Motte, soit condamnée à être fustigée et battue, nue, par l’exécuteur public ; à être marquée au fer rouge sur les deux épaules par la lettre V (voleuse) ; à être emprisonnée à perpétuité dans la maison de correction des femmes, la Salpêtrière ; tous les biens de ladite Jeanne de Valois de Saint-Rémy, comtesse de La Motte seront confisqués au profit du roi… »
    Et il eut gain de cause à l’unanimité des quarante-neuf juges demeurant encore en cour. Restait le cardinal de Rohan, autrement dit le plus intéressant.
    Au milieu d’un silence de mort, la recommandation le visant fut :
    « Que le cardinal-prince de Rohan soit condamné à se présenter à huitaine dans la grande salle du palais de justice pour déclarer publiquement qu’il a été coupable d’un acte d’audace criminelle et d’irrespect envers la personne sacrée des souverains quand il s’est rendu au bosquet de Vénus où il croyait rencontrer Sa Majesté la reine de France ; qu’il a contribué à tromper les négociants vendeurs du joyau en leur laissant croire que la reine était au courant des transactions dont celui-ci était l’objet ; que le cardinal-prince de Rohan soit condamné à exprimer publiquement son repentir et à solliciter publiquement aussi le pardon du roi et de la reine ; qu’il soit condamné à se démettre de toutes ses charges, à verser une contribution spéciale qui ira à des aumônes pour les pauvres, à être banni sa vie durant de toutes les résidences royales et maintenu en prison jusqu’à ce que toutes ces sentences aient été exécutées… »
    Il avait à peine laissé tomber le dernier mot que la tempête se déchaînait. Tandis que, d’un même mouvement, les dix-neuf Rohan se levaient comme une immense statue de la protestation drapée de crêpe, l’avocat général Séguier bondissait de son siège pour protester avec la dernière violence. Apparemment, le procureur du roi avait négligé de lui faire approuver ses conclusions ainsi que l’usage lui ordonnait de le faire.
    — Ces recommandations sont un déni de justice ! cria Séguier. Prêt à descendre au tombeau vous voulez couvrir vos cendres d’ignominie et la faire partager aux magistrats ? Le cardinal-prince de Rohan est innocent. La Justice veut qu’il soit acquitté.
    — Votre colère ne me surprend point, monsieur, répondit l’autre sur un ton au moins aussi aigre. Un homme voué au libertinage comme vous devait nécessairement défendre la cause du cardinal.
    — Je vois quelquefois des filles en effet, fit Séguier dans un grand mouvement de franchise. Je laisse même mon carrosse à leur porte. C’est affaire privée. Mais on ne m’a jamais vu vendre bassement mon opinion à la fortune…
    Partie de cette façon, la bagarre devint quasi générale. Le

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