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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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rappela :
    — William !
    — Monsieur le ministre ?
    — Dites à Hemings de nous refaire du café. Nous risquons d’en avoir besoin, nous autres. Et… si, d’aventure, vous la rencontrez, mettez-moi donc aux pieds de Mme la duchesse de La Rochefoucauld ! Je crois me souvenir qu’elle aime beaucoup les Italiens, elle aussi. Bonsoir, Vaughan ! Et songez à ce que je vous ai dit. Un bateau est la chose du monde la plus facile à prendre…
    — J’y songerai, Excellence, je vous le promets.
    Entraînant un William Short écarlate et ravi, Gilles referma sur eux la porte de la bibliothèque où Latude déroulait toujours ses interminables périodes. Puis, après deux mots à James Hemings, l’esclave mulâtre que Jefferson faisait initier à la cuisine française, les deux jeunes gens s’en allèrent prendre l’un des fiacres qui stationnaient à la grille de Chaillot et lui ordonnèrent de les conduire au croisement des boulevards de la Chaussée d’Antin.
    Tout au long du trajet qui leur fit contourner les blanches murailles inachevées de l’église Sainte-Madeleine 4 avant de s’engager sous la quadruple haie de marronniers des boulevards, l’Américain et le Français n’échangèrent pas dix paroles. Short, déjà en extase, vivait à l’avance l’instant si proche où il poserait ses lèvres sur les jolis doigts de sa duchesse et Tournemine songeait à l’offre généreuse du gouvernement américain.
    Cela paraissait si simple et si facile à accepter ! Si séduisant aussi de tourner enfin le dos à une existence sans joie véritable. Il suffisait de faire ses bagages, d’enfourcher Merlin et, suivi de Pongo, de prendre la grand-route de Brest ou du Havre au bout de laquelle les huniers des grands navires se dressaient comme des tours de cathédrales… Quelques jours encore et la longue houle de l’Atlantique se glonflerait sous ses pieds et l’océan familier le porterait vers ces terres dont il avait toujours rêvé et qu’il avait appris à aimer. Et puis là-bas, au bout du grand chemin liquide, il trouverait une vie nouvelle, un grand domaine qui, planté en tabac ou en coton, ferait de lui un homme riche définitivement libéré des pièges politiques de la vieille Europe. Un domaine sur lequel s’élèverait l’enfant qu’il se hâterait de rechercher, l’enfant qu’il aimait déjà sans même savoir s’il accepterait cet amour…
    Peu à peu, Gilles sentait faiblir sa résistance et prenait sa décision. Qui pouvait lui demander, sans faire preuve d’excessive cruauté, de vivre interminablement solitaire, le cœur écartelé entre deux amours ? Sa femme était prisonnière d’un couvent, son fils prisonnier des forêts d’Amérique et lui restait là, bêtement planté à mi-chemin de l’un et de l’autre avec cependant en main tous les outils possibles pour forger son bonheur…
    — Demain, se promit Gilles, j’irai à Versailles. Je verrai le roi et lui dirai tout. Il est bon et généreux. Il comprendra et me fera rendre Judith. Et, dès que je l’aurai reprise, nous partirons… Là-bas, elle oubliera tout ce qu’elle a souffert ici…
    Pour ne pas ternir, si peu que ce soit, l’éclat du tableau qui se peignait en lui, il évita de se demander comment l’impétueuse Judith prendrait l’entrée dans sa vie du fils de Sitapanoki. Peut-être y aurait-il là un problème mais celui-là paraissait mineur en comparaison de ceux d’aujourd’hui…
    « À chaque jour suffit sa peine ! » pensa Gilles tandis que la voiture ralentissait. On était arrivés à destination et l’on se sépara sur une poignée de main. William Short, n’ayant plus que quelques pas à faire, gagna à pied son théâtre tandis que le chevalier gardait la voiture et, par la Chaussée d’Antin, belle artère bordée d’élégantes demeures et de vastes jardins, se dirigeait rapidement vers la rue de Clichy.
    Il était tard déjà et la plupart des rares maisons, elles aussi entourées de jardins, qui la jalonnaient étaient obscures. Seule une belle demeure, située à mi-pente du chemin menant à la barrière de Clichy, faisait monter un halo de clarté au milieu d’un parc touffu.
    La grille d’entrée, martelée des chevrons Richelieu, était largement ouverte et montrait, au bout d’un jardin abondamment fleuri et d’une belle allée sablée, un assemblage de chevaux, de voitures et de valets encombrant les devants d’une maison aux proportions harmonieuses dont

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