Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
mais un groupe d’hommes, tout à coup, s’interposa entre lui et le canapé et il ne la vit plus. Il se maîtrisa alors, s’efforça de raisonner. Ce n’était pas Judith, ce ne pouvait pas être Judith ! C’était une courtisane qui lui ressemblait comme l’autre, la La Motte, lui ressemblait aussi… Il avait entendu dire que chaque être humain, sur terre, possédait un sosie. Pourquoi donc Judith n’en posséderait-elle pas deux ? Cela pourrait arriver !… C’était peut-être un peu extraordinaire mais cela pouvait arriver. En revanche, comment pouvait-il arriver que Judith, enfermée au carmel, sous la garde d’une fille de France, se retrouvât soudain, par quelque infernal tour de passe-passe, transformée en créature de plaisir livrée à la concupiscence d’une foule d’hommes alors qu’elle était censée pleurer la mort de son époux, sa mort à lui, Tournemine…
    — Il faut savoir, grinça-t-il entre ses dents serrées. Il faut que je sache, à n’importe quel prix…
    Retournant au perron, il s’adressa à l’un des Suisses :
    — Un cheval ! Tu peux me trouver ça tout de suite ? Je serai de retour dans deux heures au plus.
    L’homme saisit au vol le double louis qu’on lui jetait et disparut en courant dans la direction des communs.
    Cinq minutes plus tard, Gilles galopait à bride abattue en direction de Saint-Denis.
    1 .  Traité au miel et fumé au bois d’hickory.
    2 .  C’est actuellement la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur.
    3 .  L’acre anglais vaut 40 ares 1/2.
    4 .  La Madeleine actuelle.

CHAPITRE XI
    LA PROVOCATION
    Il était à peu près une heure du matin quand Tournemine arriva en trombe devant Saint-Denis, franchit la porte de Paris, sauta à bas de son cheval devant le grand portail du carmel et courut se pendre à la cloche du tour qu’il agita vigoureusement. Le son argenté se répercuta dans les profondeurs vides du couvent puis se fondit dans le silence.
    Le jeune homme allait sonner de nouveau quand son oreille fine perçut un léger trottinement, le bruit de deux pieds chaussés de sandales qui progressaient vers la porte. Derrière une petite grille aux barreaux serrés, un guichet s’ouvrit laissant paraître un visage rond et plein cerné de linges blancs qui l’emprisonnaient du menton au ras des sourcils.
    — Qui va là ? chuchota la sœur tourière d’une voix ensommeillée.
    — De par la reine ! répondit audacieusement Gilles qui était décidé à tout pour parvenir à ses fins. Je demande à être reçu par Son Altesse Royale Madame Louise de France, prieure de cette sainte maison.
    — Notre révérende mère Thérèse de Saint-Augustin n’a pas coutume de recevoir à une heure aussi tardive… encore qu’elle soit déjà prête pour l’office de matines. Qui êtes-vous ?
    — Chevalier de Tournemine de La Hunaudaye, second lieutenant aux gardes du corps, compagnie écossaise.
    — En ce cas attendez ! Je vais vous ouvrir. Vous pourrez laisser votre cheval dans la cour.
    Un instant plus tard, Gilles se retrouvait dans un couloir, glacial en dépit de la température douce de la nuit et sentant fortement le plâtre et la peinture fraîche. Depuis sa nomination au poste de prieure du carmel de Saint-Denis, Madame Louise y avait entrepris de grands travaux car, à son arrivée, le couvent passait pour « le plus lépreux » de France. Et, si les bâtiments conventuels avaient conservé toute l’austérité voulue, du moins la pluie et le vent n’y pénétraient-ils plus. Quant à la chapelle, elle avait retrouvé une splendeur perdue depuis longtemps.
    L’attente du jeune homme n’eut pas le temps d’être éprouvante. Quelques minutes plus tard, la tourière revenait et l’engageait à la suivre : la révérende mère allait le recevoir. Après quelques couloirs et un ou deux escaliers, elle ouvrait devant lui l’un des battants d’une double porte, plongeait dans un profond salut, les mains au fond de ses manches et s’effaçait pour laisser passer le visiteur derrière qui elle referma la porte.
    Assise, très droite, dans un raide fauteuil de bois sculpté à haut dossier, une femme d’une cinquantaine d’années qui avait été belle et demeurait majestueuse le regardait entrer, appréciant à sa juste valeur le salut qu’il lui adressait et dont se fût contentée une reine. Tout autour d’elle, la grande pièce qui lui servait de cabinet de travail participait à cette majesté par

Weitere Kostenlose Bücher