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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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elle aux pires folies. Alors, je vous attends ?… Rue de Clichy, numéro 24, un bel hôtel avec jardin.
    — Soit, je viendrai. Mais comment me faire admettre si je suis seul ? Vous dites qu’il faut montrer patte blanche.
    — C’est bien simple. Je vous annoncerai tout comme mon ami Barclay, le consul que nous avons en France, va m’annoncer. Mais, je vous en prie, ne tardez pas trop.
    — Je ferai de mon mieux…
    Profitant de ce que la conversation devenait générale et touchait les conséquences probables du procès, John Paul-Jones alla serrer discrètement la main de son hôte et disparut avec la légèreté d’un sylphe et la joie espiègle d’un écolier qui s’en va faire l’école buissonnière. Gilles le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il eut franchi la porte, résistant de son mieux au brusque désir qui lui venait de lui emboîter le pas afin de voir plus vite à quoi ressemblait cette femme dont le nom, typiquement breton, lui rappelait quelque chose. Mais quoi ?
    Son excellente mémoire avait déjà enregistré, à un moment où à un autre, ce nom de Kernoa mais sa meilleure forme d’expression étant surtout visuelle, il lui était impossible pour le moment de mettre un visage sur ces quelques lettres assemblées. Et puis quelque chose d’autre accrochait, comme si l’on avait prononcé ce nom devant lui mais d’une manière différente. Mais comment ? Mais qui ? Mais où ? Et ce vieux bavard de Latude n’en finissait plus et repartait de plus belle sur ses propres misères, qui avaient été grandes sans doute et respectables, mais qui ne présentaient plus pour Gilles le moindre intérêt.
    Évidemment, il n’en allait pas de même pour tout le monde et Latude s’était très vite aperçu qu’il y avait, dans le groupe habituel de ses amis américains, une tête nouvelle et il se lançait avec délectation dans l’odyssée qu’il aimait le plus au monde : la sienne.
    Pour tromper son agacement, Tournemine s’en alla demander une nouvelle tasse de café au maître d’hôtel, vite rejoint d’ailleurs auprès de la petite table supportant les cafetières par William Short, le jeune secrétaire de Jefferson.
    — Cette fois, nous en avons pour la nuit, gémit le jeune homme. Nous n’y couperons pas du grand jeu : les trente-cinq années de captivité vont y passer l’une après l’autre. À nous la Bastille, Vincennes, Bicêtre ! à nous les échelles de corde et les trous dans le mur ! Et ce Trumbull qui boit littéralement ses paroles ! Regardez-le, cet imbécile : non seulement il écoute avec passion mais encore il en rajoute, il pose des questions. Nous n’en sortirons jamais.
    — Dois-je comprendre que vous souhaitez sortir, William ? Un rendez-vous ?
    Sous ses épais cheveux blonds sans poudre l’aimable visage du jeune diplomate rougit légèrement.
    — Pas vraiment. J’ai seulement promis, un peu imprudemment, peut-être, à Mme la duchesse de la Rochefoucauld d’aller la saluer dans sa loge aux Italiens. On donne Alexis et Justine avec Mme Dugazon dans le rôle de Babet.
    — Je ne vois pas où est le problème, mon ami. Excusez-vous discrètement et disparaissez, tout juste comme vient de le faire l’amiral.
    — Le cas n’est pas le même. L’amiral est un grand homme et moi je ne suis qu’un petit secrétaire obscur. C’est dire que je suis de service ici quand M. Jefferson reçoit. Il est veuf, ses filles sont au couvent et je constitue à moi tout seul la « famille » chargée de prendre soin des invités…
    — Nous sommes d’accord. Mais quand l’invité n’a pas besoin de vous ? Tout ce qu’il demande c’est qu’on le laisse parler tranquille et il a Trumbull pour l’écouter. Un peu de courage, que diable ! Allez demander votre bulletin de sortie !
    — Je n’ose pas.
    — Bien, dans ce cas, je vais essayer de nous tirer de là tous les deux…
    Et, traînant après lui le secrétaire frémissant d’espoir, Gilles s’en alla trouver Jefferson qui fumait distraitement sa pipe au coin de la cheminée.
    — Monsieur le ministre, dit-il en se penchant vers son oreille, ce que vous avez à me faire entendre peut-il souffrir quelque retard ?
    Jefferson releva, avec un léger tressaillement des paupières qui semblaient curieusement alourdies. Il devait être en train de s’endormir doucement…
    — Il ne s’agit que de vous, mon cher. Vous êtes donc seul juge mais, si vous le souhaitez, nous pouvons

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