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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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je préférerais le mien. J’habite Chaussée d’Antin, à deux pas d’ici. Nous y serons d’autant mieux que nous aurons moins de curieux autour de nous. Êtes-vous d’accord ?…
    Cette fois Gilles n’eut pas le temps de répondre. John Paul-Jones venait de s’interposer entre lui et son adversaire.
    — Voyons, messieurs, un peu de raison ! Ce duel est impossible. Songez à ses conséquences. Les ambassades ne sont-elles pas, par définition, territoires nationaux de ceux qui les occupent ? Aller s’y battre en duel avec l’un quelconque de ses membres constitue une violation du territoire, quelque chose comme une invasion. C’est un cas de guerre…
    Le prince haussa les épaules.
    — J’ai déjà eu l’avantage de rencontrer M. Thomas Jefferson. C’est un homme sage et mesuré et je serais fort étonné qu’il se déclare solidaire des folies criminelles d’un jeune fou sous prétexte qu’il est son compatriote.
    — Cela signifie seulement que vous ne nous connaissez pas, s’écria le marin en se redressant de toute sa petite taille. Tous les Américains sont solidaires, prince, c’est ce qui leur a permis de conquérir leur liberté. Sachez que M. Jefferson ne saurait se désintéresser du sort d’aucun d’entre nous, fût-il le plus humble et eût-il cent fois, mille fois tort comme le capitaine Vaughan ce soir. Ce que vous venez de faire, ajouta-t-il avec sévérité en se tournant vers Gilles, m’indigne et me choque au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer. C’est moi qui vous ai fait entrer dans cette maison et vous m’avez couvert de honte par une conduite dont je cherche encore à comprendre la raison.
    — La raison ne regarde que moi, fit le chevalier avec hauteur. Il s’est trouvé que je connaissais cette femme, beaucoup trop pour mon bien. Que ceci vous suffise ! Je regrette seulement que vous vous trouviez mêlé à une aventure où vous n’avez que faire et dont vous devez vous désintéresser. Vous quittez Paris dans quelques heures, amiral : rentrez chez vous et oubliez-moi…
    — En aucune façon car, je vous l’ai dit, je me tiens pour responsable dans une certaine mesure. Si ce duel insensé doit avoir lieu, je vous servirai de second… mais pas par conviction, simplement parce que nous sommes compatriotes.
    Gilles avait bonne envie d’envoyer promener l’Américain et ses sermons et de déclarer son véritable nom mais c’eût été risquer de découvrir la réalité des liens existants entre lui et Judith et faire connaître à tous son déshonneur de mari.
    — Je vous remercie, dit-il. À présent, si ce duel doit dégénérer en incident diplomatique, battons-nous ici et n’en parlons plus.
    — Non ! coupa le prince. Un ministre plénipotentiaire ne se bat pas dans le jardin d’un tripot !
    — Nous n’en sortirons jamais. Allons où vous voulez : au bois de Boulogne, dans un terrain vague, n’importe où, mais finissons-en !
    — Un lieu public est impossible. C’est le roi de France alors qui pourrait s’estimer offensé…
    — Peut-être auriez-vous pu songer à tout cela avant de vous jeter à l’étourdi dans une affaire qui ne vous concernait en rien, monsieur, s’écria Gilles à bout de patience. À présent j’exige…
    — Si la demeure d’un grand seigneur génois peut vous convenir, messieurs, dit, du seuil de la porte, une voix féminine douce et chaude, je serais heureuse de vous tirer d’embarras et de vous y accueillir… Je suis la comtesse de Balbi.
    Et Anne, toute vêtue de faille gris bleuté, des roses fraîches dans sa coiffure et à son décolleté, apparut dans l’encadrement de la porte.
    — Vous, madame ? dit, avec sévérité, Gilles repris par ses anciennes méfiances. Que faites-vous ici ?
    Elle lui dédia un sourire ensorcelant.
    — Allons ! Ne montez pas sur vos grands chevaux puritains, mon cher John. Vous savez que je suis une joueuse incorrigible et combien j’aime ce qui sort de l’ordinaire. Un ami, le comte d’Orsay, qui appartient à la maison de Monsieur, m’a vanté cette maison… et sa belle hôtesse. La curiosité m’a poussée à l’accompagner ce soir. Vous voyez, cher Caton, qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat. J’ajoute que je ne regrette pas cette démarche que d’aucuns jugeraient imprudente…
    Le regard mi-souriant, mi-implorant de la jeune femme s’attachait à celui de son amant. Il la connaissait assez à présent pour sentir qu’elle ne

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