Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
car, à présent, le doute n’était plus permis, en admettant qu’il l’eût été vraiment et en admettant qu’il n’eût pas cherché, consciemment ou non, à s’illusionner. Il avait voulu savoir, il savait…
    Il savait que celle que l’on appelait la reine de la nuit, que l’on disait vendue à un banquier, et peut-être à plusieurs, que la sorcière dont il venait de voir à l’œuvre l’infernale coquetterie, étalant une beauté à peine voilée sous le regard avide d’une troupe d’hommes qui la couvraient comme des mouches un rayon de miel, c’était sa Judith à lui et nulle autre ! Il n’y avait pas de sosie commode. Il y avait une fille perdue qui, au mépris de la foi jurée et quelques mois seulement après avoir appris la mort d’un époux prétendument aimé, livrait contre de l’or et un luxe de mauvais aloi un corps dont ce mari s’était emparé avec adoration, avec vénération, un corps dont ce pauvre imbécile de Cagliostro prétendait préserver éternellement la virginité afin de lui conserver le don de voyance. Il y avait une fille qui ne craignait pas de traîner dans la débauche l’honneur de l’homme qui lui avait donné son nom. Encore heureux quelle ait eu la décence de le cacher, ce nom, sous un pseudonyme…
    Et Gilles, soudain, se souvint. Il savait, à présent, pourquoi ce nom de Kernoa lui était apparu comme familier car il entendit brusquement, sortie des profondeurs de sa mémoire, la voix pesante du frère aîné de Judith, Tudal de Saint-Mélaine, telle qu’il l’avait entendue lors de la dramatique entrevue qu’il avait eue avec lui avant de le tuer.
    « Elle avait été recueillie par un médecin de Vannes, un certain Job Kernoa qui l’avait trouvée sous les roues de sa voiture à moitié morte de faim… »
    Kernoa était l’homme qui avait épousé Judith pour la soustraire aux entreprises cupides de ses frères et que ceux-ci avaient tué, le soir même de ses noces, avant de revenir jeter leur sœur au fond d’une fosse hâtivement creusée dans la forêt de Paimpont 2 . Le malheureux avait été la première victime de cette malfaisante sirène et il le demeurait puisqu’elle n’avait pas craint d’abriter sa lucrative industrie sous ce nom, très certainement respectable, et qu’elle s’était contentée de modifier, à peine, grâce à une particule passablement ridicule…
    Toujours furieux mais beaucoup plus calme, Gilles remonta à cheval et regagna la rue de Clichy où la soirée battait toujours son plein. Davantage peut-être encore car les voitures arrêtées devant la maison étaient plus nombreuses qu’auparavant.
    Après avoir rendu le cheval au Suisse, il se fit conduire dans un petit vestiaire afin de remettre un peu d’ordre dans sa toilette et d’ôter la poussière de la chevauchée puis, calmement, il se dirigea vers le salon vert. Toute la fureur de tout à l’heure s’en était allée, laissant derrière elle une volonté glacée et le besoin de frapper, de détruire, de venger son bonheur anéanti et son amour bafoué…
    Il y avait beaucoup de monde, à présent, autour des tables de jeu. Par contre, la chaise longue de velours amande était vide. Celle qui l’occupait tout à l’heure se trouvait, avec sa cour d’admirateurs, dans le salon de laque noire. Une flûte de champagne à la main, elle riait des plaisanteries qu’un de ses compagnons chuchotait à son oreille. Fier comme un paon et tout sourire, John Paul-Jones tenait sa main libre entre les siennes avec plus de respect certes que s’il eût tenu la main de la reine en personne.
    L’amiral avait bu, sans aucun doute, mais pas au point de lui brouiller la vue. Apercevant Gilles debout au seuil de la pièce, il le salua d’une exclamation triomphale.
    — Enfin vous voilà ! Vrai Dieu, mon ami, je commençais à désespérer de vous voir arriver.
    — Pour un désespéré, vous me semblez singulièrement joyeux, amiral ! répondit Gilles en forçant un peu son accent américain. Quant à moi, j’ai quitté la légation plus tard que je ne pensais et j’ai eu affaire ailleurs. Voulez-vous me présenter ?
    — Naturellement. Chère et belle amie, permettez-moi de vous présenter l’un de mes jeunes compatriotes, le capitaine John Vaughan, fils d’un de nos plus valeureux corsaires et marin lui-même. Il brûlait du désir de vous connaître…
    Sous leurs longs cils, les yeux sombres de la jeune femme parcoururent insolemment, de

Weitere Kostenlose Bücher