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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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le jeune homme, cassant.
    — Essayez de me comprendre. Vous m’avez mis, que vous le vouliez ou non, dans une situation difficile. Le roi Louis XVI n’éprouve pas une grande tendresse pour nous, les rebelles. Nous sommes la preuve vivante qu’une lutte contre une monarchie de droit divin peut réussir. Il voit en nous les ferments installés chez lui de troubles éventuels et, si je veux, comme le veut le général Washington, comme le veulent La Fayette et tous vos anciens compagnons d’armes, qu’une amitié totale, absolue, fraternelle s’instaure entre nos deux pays, je dois veiller à lui faire comprendre que nous lui sommes vraiment reconnaissants de l’aide apportée jadis, que nous ne souhaitons à notre tour que l’aider à donner plus de bonheur à ses sujets. Je dois le ménager et ménager ceux des siens qui pourraient avoir à se plaindre de nous. Au moins… ne pouvez-vous me donner une raison valable… une seule de votre conduite d’hier soir ?
    Un froid sourire détendit les lèvres serrées du chevalier mais n’atteignit pas ses yeux glacés.
    — Je le pourrais, en effet. Je pourrais vous donner la meilleure, la plus convaincante des raisons mais je ne le ferai pas.
    — Pourquoi ?
    Se détournant, Gilles alla reprendre, sur le coin d’une console, ses gants et son chapeau, revint jusqu’au milieu de la pièce, haussa les épaules.
    — Parce que… si vous en êtes à regretter pour une peccadille que l’on ait voulu faire de moi un véritable Américain, il se trouve que moi je n’ai plus du tout envie de l’être… du moins pour le moment. Mes respects, monsieur le ministre plénipotentiaire des États-Unis de l’Amérique septentrionale 2 .
    Il salua profondément puis, sifflotant doucement un menuet de Mozart, il descendit le grand escalier de pierre, alla récupérer Merlin, sauta en selle et, quittant l’hôtel de Langeac, se glissa au milieu des équipages qui montaient et descendaient la grande artère champêtre entre la place Louis-XV et la grille de Chaillot. Le soleil commençait à baisser et c’était l’heure de la promenade élégante. Les dorures des carrosses côtoyaient les vernis austères des nouvelles voitures à l’anglaise et les légers cabriolets des filles d’opéra. Tout cela débordait de satins clairs, de mousselines couleur d’aurore, de dentelles, de gaze azuréenne, de fleurs et de rubans dont étaient surchargés les gigantesques chapeaux de paille des femmes. On s’interpellait d’une voiture à l’autre, on riait et, sous les ombrages des contre-allées les marchands d’oublies, de limonade, de cerises ou de glaces faisaient, avec les jolies promeneuses ou avec les enfants, des affaires d’or.
    Tout à coup, Gilles eut envie de s’attarder un peu mais en dehors de toute cette agitation qui soulevait trop de poussière à son gré. Une poussière qui pour être dorée et essentiellement poétique n’en était pas moins desséchante. Il avait soif, faim aussi car il n’avait rien mangé depuis la veille et il avait envie d’être un peu seul avec lui-même. Par l’allée des Princes, il gagna le cours de la Conférence et, avisant une guinguette dont le petit jardin descendait jusqu’aux eaux vertes de la Seine, il attacha son cheval à la porte et alla s’installer sous une tonnelle couverte de vigne d’où la vue sur le fleuve était charmante.
    Il s’assit, commanda du vin frais, une omelette, de la salade et du fromage à la servante en bonnet tuyauté qui accourut puis, posant ses pieds sur la balustrade faite de grosses branches élaguées qui fermait la tonnelle et en faisait une sorte de balcon, il essaya de faire le vide dans son esprit en contemplant la circulation de chalands, de barges, de coches d’eau et de barques de pêche qui sillonnaient les eaux étincelantes où se brisaient les rayons du soleil rouge. Avec intention, il s’était placé tout au bout de la tonnelle, afin d’être aussi éloigné que possible des deux hommes qui y étaient déjà installés, buvant du vin blanc à une petite table…
    L’ambiance calme et heureuse de ce beau jour lui fit du bien. En dépit de l’apparente désinvolture avec laquelle il avait accueilli les paroles de Jefferson, il s’était senti blessé par l’espèce de hâte mise à le retrancher de la vertueuse nation américaine et à lui faire entendre que l’on ne souhaitait plus guère qu’il choisît de rester définitivement John Vaughan et de

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