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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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respirant l’odeur du jardin des Tuileries où les robes claires des femmes ajoutaient un surcroît de fleurs. C’était ce que Gilles avait coutume d’appeler « un jour de grâce », un de ces jours où tout paraît marcher pour le mieux dans le meilleur des mondes, où l’on sourit sans bien savoir pourquoi – parce qu’il fait beau ou parce que l’on a entendu chanter un oiseau – où la misère elle-même semble peser moins lourd et où les mendiants arrachent, en passant, un brin de feuillage pour le piquer dans un trou de leur chapeau… Si, la veille, Paris avait connu un commencement d’émeute en apprenant l’aggravation de peine qui frappait le cardinal de Rohan, il n’y paraissait plus. Facilement oublieux, une fois passés ses grands moments d’émotion, le Parisien, satisfait de s’être offert une sorte de baroud d’honneur, était retourné à ses affaires, à sa boutique ou à sa canne à pêche.
    Curieusement, cependant et à mesure qu’il avançait au milieu de cette sérénité ensoleillée, Gilles sentait son humeur s’assombrir car il avait conscience d’apporter une tache au tableau, une fausse note à la symphonie. Le plus beau soleil ne pouvait rien pour dissiper l’amertume qui l’habitait et surtout le vide, le vide énorme qu’il ressentait dans la région du cœur…
    Depuis ce beau soir de septembre breton où il avait tiré des eaux du Blavet le corps dénudé de Judith, toute sa vie, tout son temps, tous ses rêves, tous ses espoirs et tous ses efforts s’étaient concentrés sur la jeune fille. L’amour qu’il éprouvait pour elle avait été sa seule raison de vivre, sa seule raison d’être et de vouloir… Qu’en restait-il à présent ? Rien… Tout s’était dilué, dissous, effrité, dispersé au caprice d’une femme inconsciente qui demeurait son épouse devant Dieu et qui, cependant, semblait l’avoir entièrement oublié…
    Peut-être, après tout Judith n’était-elle plus une créature normale ? L’épreuve terrible subie au soir de ses premières noces avec Kernoa, les étranges pouvoirs que Cagliostro avait pu prendre sur son esprit avaient pu causer des ravages dont, peut-être, lui-même ne s’était pas assez soucié, emporté qu’il était par sa passion ?
    Cette nuit, Gilles retournerait à la folie Richelieu afin de sonder, une dernière fois, cet esprit fragile, ce cœur inconstant, afin de savoir si l’ombre d’un espoir demeurait encore de l’arracher à l’existence dégradante qu’elle s’était choisie… ou que peut-être, après tout, on lui avait imposée… S’il échouait, il faudrait bien tourner la page et tenter de se trouver, soit une raison de vivre, soit une honorable mort ce qui était vraiment la chose du monde la plus facile à trouver pour un homme de cœur…
    En se retrouvant, un moment plus tard, dans le grand cabinet de Thomas Jefferson, assis dans le même fauteuil, en face de la même fenêtre ouverte largement sur le joyeux fouillis du jardin, le jeune homme eut cependant l’impression qu’une éternité s’était écoulée depuis la dernière fois qu’il s’était trouvé à la même place. C’était cependant la veille et la seule différence extérieure résidait dans le fait que le jour avait pris la place de la nuit.
    Mais une autre différence fut tout de suite sensible lorsqu’après l’avoir attendu un instant, Tournemine vit Jefferson franchir à grands pas nerveux, la tête dans les épaules et les mains nouées derrière le dos, la porte qu’un valet lui ouvrait. De toute évidence l’aimable bonhomie de l’hôte d’hier avait fait place aux soucis du ministre plénipotentiaire.
    Il alla prendre place dans son fauteuil, considérant d’un œil morne son visiteur.
    — Quelle diable d’idée vous a pris d’en découdre avec le ministre des Deux-Siciles ? articula-t-il enfin avec un soupir qui en disait long sur ses secrètes pensées.
    — L’idée n’est pas venue de moi. J’ignore qui vous a informé, monsieur…
    — Paul-Jones, qui est venu me faire ses adieux dès le matin. Mais il n’a précédé que de bien peu la protestation officielle des Napolitains. Il m’a dit, en effet, que le prince vous avait provoqué mais que, le faisant, il n’a guère fait que devancer, très certainement, les intentions de la plupart des hommes qui se trouvaient chez cette Mme de Kernoa et que, d’ailleurs, lui-même avait, un instant, songé à vous

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