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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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en sommes… Veillez seulement à ne pas manquer au respect qui nous est dû.
    — Je mourrai avant de manquer de respect à la majesté royale. Eh bien donc, sire, puisque le roi le permet, j’oserai lui demander pourquoi j’ai été jeté à la Bastille sous l’inculpation de « collusion et complicité » avec Son Éminence le cardinal de Rohan ?
    — Ah ! vous savez cela ?
    — Le lieutenant des gardes de la Prévôté de Votre Majesté, M. Gaudron du Tilloy qui a procédé à mon arrestation, ne me l’a pas laissé ignorer. Ce jour-là, sire, un grand malheur me frappait et j’ai à peine fait attention à ses paroles. Mais depuis, j’ai découvert que j’étais accusé de complicité de vol et que le voleur était un Rohan.
    — Tout beau, chevalier ! Je ne vous ai pas fait venir pour discuter avec vous de la responsabilité du cardinal dans cette vilaine affaire : au surplus, vous n’êtes pas accusé de complicité dans le vol, mais bien d’entente criminelle avec un homme sur lequel la justice du roi venait de s’abattre, un homme que vous étiez chargé de garder et que, cependant, vous n’avez pas craint d’aider à faire disparaître des preuves accablantes, des preuves qui eussent été sans doute capitales.
    Bien que sa situation n’eût rien d’enviable et qu’il eût pleinement conscience de l’endroit où il se trouvait, Tournemine se mit à rire, ce qui eut naturellement pour effet de porter à son comble la colère de Louis. Et comme le roi rougissait facilement, il devint ponceau.
    — Il me semble que vous vous oubliez, monsieur. Vous osez rire en ma présence ?…
    — Pourquoi non, sire ? J’ai toujours cru plaire davantage au roi en lui montrant mes réactions naturelles plutôt qu’en composant une attitude contraire à la vérité. J’ai ri, sire, à cause de l’extrême disproportion des termes employés par Votre Majesté avec la minceur du service qu’en effet j’ai accepté de rendre à Son Éminence.
    — Ce sont pourtant les termes dont on s’est servi lorsque l’on m’a demandé de signer votre lettre de cachet. Le baron de Breteuil est un homme qui connaît la valeur des mots qu’il emploie.
    — Ainsi, c’est le ministre de la Maison du roi qui a pris la peine de demander mon arrestation ? C’est un bien grand honneur pour un homme qui ne pensait pas être connu de lui. Mais peut-être n’a-t-il agi que sur le désir de quelqu’un d’autre.
    — Quelqu’un d’autre ?
    — Quelqu’un d’infiniment plus haut que lui, quelqu’un qui veut bien m’honorer, moi simple gentilhomme breton, d’une toute particulière inimitié. Nul n’ignore en effet, sire, que, si M. de Breteuil porte au Grand Aumônier de France une haine tenace et si comme tel j’ai pu lui déplaire, ledit baron de Breteuil écoute volontiers les… suggestions de Monseigneur le comte de Provence.
    Une surprise totale remplaça la colère dans les yeux bleus du roi dont la voix, toujours un peu rauque, s’enroua tout à fait.
    — Mon frère a de l’inimitié pour vous ? Mais pourquoi ?
    Gilles n’hésita qu’un instant avant de se décider à frapper un grand coup. Après tout, il n’avait rien à perdre. Plantant hardiment son regard, aussi limpide qu’un lac de montagne, dans celui de son souverain, il articula calmement :
    — Parce que je suis dévoué corps et âme à mon roi et que Monsieur n’aime pas, n’aimera jamais, les serviteurs qui entendent consacrer leurs forces et leur vie au service d’un roi qu’il a toujours souhaité remplacer sur le trône.
    Un silence absolu, un peu angoissant, tomba brusquement entre les deux interlocuteurs. Louis avait reculé son fauteuil de façon à ce que son visage quittât la zone lumineuse créée par les trois flammes du chandelier. Seules ses mains étaient visibles. Posées sur les bras du siège, Gilles pouvait les voir blanchir aux jointures, trahissant l’émotion qui s’était emparée du roi et qui, lentement, crispait les doigts. Mais quelle émotion était-ce là ? Conscient d’avoir lancé une très grave accusation, proche voisine de la lèse-majesté et qui pouvait l’envoyer pourrir pour le reste de son existence au fond d’un cul-de-basse-fosse, Gilles retint sa respiration, guettant ce qui allait venir… très probablement une explosion de colère, suivie d’un appel, d’un ordre de le ramener immédiatement à la Bastille. Mais il savait aussi qu’il n’avait rien à

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