Le trésor
écriture brunâtre que Gilles identifia comme étant du sang séché.
Il commença par celui qu’avait écrit le vieux Joël alors qu’il était sans doute bien malade déjà car l’écriture en était pénible et difficilement déchiffrable.
« Moi Joël, fils de Gwenaël, j’ai trouvé ces objets à l’intérieur du vieux tumulus qui se trouve près de la rive de l’ Arguenon et dont j’ai retrouvé l’entrée en déblayant les restes d’un ancien souterrain éboulé. Ce souterrain joignait le donjon du château à la rivière. Ceci reposait auprès d’un squelette enchaîné qui portait encore les restes d’une robe de moine et, par le peu de latin que j’ai appris à l’église j’ai compris qu’il s’agissait du trésor de Raoul de Tournemine. J’ai donné une sépulture chrétienne à cette pauvre dépouille et j’ai fait dire des messes pour que son âme irritée ne revienne pas tourmenter ceux qui vont entrer en possession de ce bien. Que Dieu leur vienne en aide et me prenne en pitié à l’heure prochaine où je paraîtrai devant Lui ! »
Le vieux texte, lui, était écrit d’une main plus ferme mais le liquide qui avait servi d’encre avait pâli par endroits. Il était écrit en latin, langue avec laquelle, ancien élève du collège Saint-Yves de Vannes, il était familiarisé depuis longtemps. Néanmoins en dépit de ses connaissances, Gilles mit une grande heure à venir à bout de ces lignes serrées dont la lecture constituait un véritable travail de bénédictin.
« Moi, Pietro de Pescara, moine de Saint-Augustin, maître sculpteur – ciseleur et disciple du grand Romano, je sais que je suis ici pour mourir et pour que meure avec moi le secret du tombeau que j’ai construit pour le seigneur Raoul de Tournemine dans l’église du monastère de Saint-Aubin-des-Bois. Mon œuvre est achevée, parfaite et le baron m’a félicité. Il m’a donné de l’or mais il a insisté pour que je parte dès l’aube du lendemain. Une escorte armée devait me conduire jusqu’à la ville de Nantes pour m’embarquer afin que je rentre à Rome auprès du cardinal Gabrielli , mon protecteur… J’ai eu l’escorte et des mules et de grands adieux à la poterne du château. Et puis nous avons pris le chemin couvert qui mène à la rivière. C’est quand nous avons été au plus profond de la forêt que mon escorte s’est jetée sur moi. On m’a pris ma bourse, on m’a mis des chaînes aux pieds, aux mains et on m’a jeté un sac sur la tête… Mais j’ai eu le temps d’apercevoir, attendant un peu plus loin, un homme vêtu de la même robe que moi. Il est monté sur ma mule et il a poursuivi son chemin…
Moi, on m’a traîné sur un chemin si rude que je butais à chaque pas et qui descendait, descendait… J’ai senti l’humidité d’une cave, l’odeur de la moisissure et, quand on m’a ôté le sac, j’ai vu que j’étais dans un lieu obscur, éclairé par une torche que portait un homme masqué. On m’a passé une corde autour du corps et on m’a descendu, sans me faire de mal, dans une sorte de puits à sec… C’est là que je vais mourir car, depuis trois jours, on ne m’a rien apporté à manger ni à boire…
Pourquoi ne pas m’avoir tué tout simplement d’un coup de poignard ou d’un verre de poison ? À cause de ma robe de moine ? La piété bizarre du seigneur Raoul lui interdit de verser le sang d’un prêtre ou de lui donner la mort directement mais elle ne lui défend pas de le laisser mourir. Étrange souci d’être pour un voleur et un meurtrier ! De même, à part la bourse d’or, on ne m’a rien pris. On m’a laissé ma robe et les pauvres objets qu’il y a dedans : un stylet pour écrire, quelques feuilles de papier, un canif, un chapelet…
J’ai cru d’abord que l’on m’avait jeté dans une tombe pour y mourir étouffé mais je ne manque pas d’air… Mes yeux se sont accoutumés et, très haut au-dessus de ma tête, il y a deux étroites failles qui laissent passer un peu de jour… C’est grâce à cela que j’ai pu compter le temps mais je ne subirai pas la lente mort que souhaite le baron et, qu’il le veuille ou non, il aura versé mon sang car tout à l’heure, quand j’aurai achevé décrire ceci grâce à ce sang, j’ouvrirai mes veines avec mon couteau et je laisserai s’enfuir ma vie… Mais avant je veux rédiger cela en rassemblant les forces qui m’abandonnent déjà… Ma gorge brûle et ma
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