Le trésor
murmurait à l’oreille l’un de ses valets.
— Ainsi, dit-il d’une voix dont l’accent étranger attira l’attention de Gilles, vous êtes ce Morvan qui opérait dans la police parisienne il y a environ un an et demi et qui en a été chassé à la suite d’un vol… bien que l’on n’y soit ni fort difficile ni fort délicat ?
— Et après ? grogna l’autre. En quoi cela vous regarde ?
— Cela me regarde beaucoup, mon garçon, car j’ai des comptes à régler avec vous. Moi aussi, vous m’avez volé… et si vous voulez tout savoir, je vous cherchais.
Passionnément intéressé, Gilles s’était avancé de façon à voir en pleine lumière le visage de son ancien agresseur et ne put retenir une exclamation de surprise.
— Morvan ! Morvan de Saint-Mélaine ! Enfin, je te retrouve !
Il avait bondi, bousculant l’homme au manteau pour empoigner le revers de l’habit râpé du malandrin. Du malandrin qui n’était autre que le dernier frère de Judith, l’un des deux hommes qui prétendaient avoir tué le docteur Kernoa.
— Il ne manquait plus que celui-là ! grogna le prisonnier, le bâtard, à présent !
Un petit rire se fit entendre.
— Ma foi, monsieur de Tournemine, la rencontre m’est heureuse car vous êtes l’un des rares hommes que j’ai quelque plaisir à rencontrer dans ce pays de malheur. J’espère que vous n’oubliez pas plus vos anciens amis que vos vieux ennemis ?
Et Gilles, stupéfait cette fois, vit qu’entre le chapeau à large bord et le pan du manteau apparaissait à présent le visage bien connu de Cagliostro.
— Vous ? murmura-t-il. Vous, ici ? Je croyais que…
— Que j’avais été banni du royaume ? C’est vrai et je le suis toujours. Je vis à Londres, à présent, ou plutôt j’essaie de vivre car lors de mon arrestation j’ai été volé indignement. Les gens de police ont fait main basse sur bien des objets de valeur mais surtout sur des papiers qui sont pour moi d’une importance extrême. C’est la raison pour laquelle je me suis décidé à repasser la Manche. Certains des affiliés parisiens de ma loge égyptienne m’ont fait savoir que mon voleur avait quitté, par force, la police et officiait à présent aux alentours des riches cargaisons de la Compagnie des Indes. On ma dit le cabaret où il tenait ses assises et je suis, grâce à Dieu, arrivé à temps pour vous tirer de ses griffes, tout comme, jadis, vous m’aviez tiré d’autres griffes autrement plus cruelles.
— Je vous en prie, ne rappelez pas cela. Ce soir, vous m’avez sauvé la vie et c’est tout ce dont je veux me souvenir. Merci, monsieur le comte… Mais, à présent, me direz-vous ce que vous comptez faire du sieur Morvan ?
— Si vous voulez bien m’accompagner, vous le verrez. J’ai loué, près d’ici et sous un faux nom naturellement, une maison fort commode pour entendre les confessions. D’ailleurs, vous êtes blessé et la sagesse serait, je crois, de vous laisser soigner. Holà, vous autres, emmenez-moi ça à la maison ! Nous vous suivons !
La cravate de Gilles était, en effet, pleine de sang et il sentait à une légère faiblesse, la nécessité de quelques soins. Au surplus, son entretien avec Besné pouvait se remettre au lendemain et ce fut sans la moindre objection qu’il suivit l’ancien sorcier de la rue Saint-Claude.
La petite maison louée par celui-ci s’adossait au rempart de la ville à l’endroit où il rejoignait les défenses du port. Elle n’avait rien de particulier sinon une très commode porte de dégagement donnant sur un boyau creusé entre ses murs et ceux d’une maison voisine.
Les protagonistes de la scène précédente s’y retrouvèrent dans une vaste cuisine pavée de granit où un grand feu, entretenu par un homme qui n’avait même pas levé la tête à leur entrée, brûlait dans la vaste cheminée. Sur un signe de Cagliostro, les gardiens de Morvan, qui l’avaient entre-temps ligoté comme un poulet prêt à être mis en broche, le firent asseoir sur un banc en face de l’homme de la cheminée dont il regarda les flammes avec appréhension.
— Qu’allez-vous me faire ? chevrota-t-il.
— Je vais d’abord soigner la blessure de M. de Tournemine, fit gracieusement Cagliostro. Ensuite, je lui offrirai un cordial pour compenser la perte de sang… et ensuite je m’occuperai de vous, mon garçon. Ne vous affolez pas. J’ai seulement quelques questions à vous poser. Si
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