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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sombre ourlée d’hermine ne fit aucun bruit sur le tapis et la jeune femme demeura un moment immobile et silencieuse, regardant sans le voir le jardin enseveli sous la neige et laissant ses longs doigts fins éplucher machinalement les fleurs fanées d’une jardinière de vieux Sèvres disposée devant la fenêtre.
    — Ainsi, dit-elle au bout d’un moment, tout est bien décidé ? Tu pars ?
    Debout, à quelques pas d’elle, le dos à la cheminée, Gilles la regardait sans parvenir à se défendre d’une émotion inattendue. Venu pour une courtoise visite d’adieu, il découvrait que cet adieu lui était plus pénible qu’il n’aurait cru, que cette femme, si longtemps détestée mais ardemment désirée, avait fini par trouver le chemin de son cœur et par s’y faire une place plus large peut-être que lui-même ne l’imaginait.
    — J’ai une mission à remplir, dit-il-brièvement. Et puis je n’ai pas d’autre solution.
    — À cause… d’elle ?
    — À cause d’elle aussi. En dépit de sa conduite présente et passée, elle est ma femme. Il n’y a plus aucun doute là-dessus et mon devoir est de l’arracher à la vie déshonorante qu’elle mène. Mais, pour cela, il faut que je l’emmène au loin, là où personne n’imaginera que Mme de Tournemine et l’éphémère reine de la nuit ne sont qu’une seule et même personne. Mais pourquoi m’obliger à te redire ces choses ? Tu le savais depuis longtemps…
    — C’est vrai… mais j’imaginais… Dieu sait quoi ? Pourquoi partir si loin ? Pourquoi l’Amérique ? Tu voulais reprendre tes terres bretonnes…
    — En effet. C’est malheureusement impossible, tout au moins dans l’immédiat. Plus tard, peut-être…
    — Reste au moins en France ! Ils ne manquent pas, les domaines que les courtisans abandonnent à eux-mêmes et dont les paysans demandent un maître ! Au moins, je pourrais te revoir de temps à autre… Tandis que là-bas…
    Elle ne le regardait toujours pas mais, cette fois, il ne pouvait ignorer les larmes qui enrouaient sa voix. Lentement, il vint à elle, emprisonnant entre ses mains les épaules rondes qui à présent frémissaient.
    — Anne ! dit-il doucement. Je ne veux pas que tu pleures. Je ne veux pas que tu aies de la peine. Ce n’est pas un adieu définitif que je suis venu te dire. Nous nous reverrons…
    — Quand ? Dans des années ? Quand je serai devenue vieille et laide ? Quand tu n’auras plus envie de moi ?
    Il la retourna brusquement, prit entre ses mains son visage humide, devenu si pâle, et posa ses lèvres alternativement sur l’un et l’autre de ses yeux.
    — Ne dis pas de sottises ! Tu seras sans doute vieille un jour, mais tu ne seras jamais laide. Quant à moi, je crois que jusqu’à ma mort j’aurai envie de toi. Et quand je dis que nous nous reverrons, je crois, hélas ! que cela pourrait être plus proche que tu ne l’imagines.
    — Hélas ? reprocha-t-elle, blessée.
    — Hélas, pour le roi ! Je l’ai juré : s’il a un jour besoin de moi, je reviendrai, où que je sois. Et c’est sur toi, Anne, sur toi et sur mon ami Winkleried que je compte pour m’en avertir. Je vous donnerai de mes nouvelles, à l’un comme à l’autre et toujours vous saurez où je suis.
    Un éclair de joie brilla dans les yeux sombres de la jeune femme tandis que, de ses deux mains, elle s’accrochait aux épaules de Gilles.
    — C’est vrai ? Tu feras cela ?
    — Sur mon honneur ! J’ai besoin que tu demeures mon amie… mon amie très chère.
    Il n’eut qu’à baisser un peu la tête pour trouver sa bouche. Un instant plus tard, il l’emportait, déjà défaillante, jusqu’à sa chambre… N’était-ce pas encore la meilleure manière de lui dire au revoir ?
    Quand il se pencha sur elle, une heure après, pour un dernier baiser, elle se pendit à son cou.
    — Tu reviendras ? Tu me le jures ?
    — Je te l’ai déjà juré.
    — Alors, je t’attendrai. Mais pas trop longtemps, sinon je suis très capable, moi aussi, de passer les mers pour te retrouver.
    Il détacha doucement les bras qui le tenaient si bien et confia de nouveau la jeune femme au fouillis charmant de son lit en désordre mais, vivement, il repoussa les draps, les couvertures afin qu’aucun obstacle ne s’interposât entre son regard et la voluptueuse nudité d’Anne.
    — Ne bouge plus ! murmura-t-il tendrement. Reste comme cela ! C’est cette image-là que je veux emporter

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