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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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arrière avec un bâillement de satisfaction.
    — Quel dommage que vous vous soyez sentie tout à coup si lasse, ma chère ! La soirée marchait à merveille ! Nous avons fait trois cents louis de plus qu’hier à la même heure. Qu’est-ce qui vous a pris ?
    Du fond de son fauteuil, Judith, sans ouvrir les yeux, murmura :
    — Rien. Tout ! J’en ai assez de tout cela ! j’en ai assez de passer des nuits entières debout à sourire, à boire, à écouter les plaisanteries stupides de tous ces imbéciles… Je suis fatiguée. J’en ai assez de cette vie !
    — Vraiment ? En avez-vous assez aussi de l’or qui s’entasse dans notre coffre ? Bientôt, nous serons riches, vous savez ? Très riches même. Il suffit d’un peu de patience encore. Et puis, je vous rappelle que notre but principal n’est pas encore atteint. La reine n’est pas encore venue ici…
    Brusquement, Judith quitta sa pose alanguie, ouvrit les yeux et se leva. Elle était devenue soudain très rouge et, dans le large décolleté de sa robe de faille verte, sa gorge se soulevait presque spasmodiquement.
    — Et après ? Je commence à croire qu’elle ne viendra jamais et que nous perdons notre temps.
    Sans répondre, Kernoa prit, dans un coffret de laque, une liasse de billets qu’il effeuilla comme un éventail.
    — Croyez-vous ? Il me semble moi que, pour du temps perdu, c’est tout de même du temps intéressant. Que souhaitez-vous donc de plus ?
    — Je vous l’ai dit et répété cent fois : partir d’ici ! Je hais cette maison et tout ce qu’elle représente. Je veux aller vivre avec vous dans le bonheur et la paix, dans un cadre digne de nous où nous pourrons enfin mener la vie normale des gens qui s’aiment. Qu’avons-nous besoin de plus d’argent ? Avec ce que nous avons nous pouvons déjà nous établir largement. Nous aurons un château, des terres…
    L’homme éclata de rire.
    — C’est là toute votre ambition ? Un château plein de courants d’air, des terres plus ou moins fertiles, des paysans crasseux et toujours de mauvaise humeur ? Très peu pour moi ! Et vous ? Vous voyez-vous vêtue de grosse toile ou de gros drap, faisant des confitures ou ravaudant des chemises entre deux grossesses ? Allons donc !
    — Chacun ses rêves ! Les miens s’accommoderaient fort bien de cela… Voyons, Job, que voulez-vous ? Que rêvez-vous ? Est-ce que vous ne m’aimez pas ?
    Il haussa les épaules.
    — Vous aimer ? Bien sûr que si je vous aime ! Vous êtes une ravissante créature mais, justement, votre beauté est chose trop précieuse pour aller l’enterrer au fond d’un trou boueux. Réfléchissez : que deviendrait-elle au fond de la tanière de vos rêves ? Croyez-vous que je pourrais avoir encore envie d’une femme aux cheveux ternes, à la peau grise, mal vêtue, parfumée aux odeurs de cuisine ou de l’étable ? Vous savez combien mon système nerveux est fragile et délicat. Pour vous aimer comme je vous ai montré que je savais vous aimer, j’ai besoin d’un certain décor, d’une certaine ambiance. Votre peau est exquise, ma chère, à condition qu’elle soit toujours fraîche et parfumée.
    — Vous n’en demandiez pas tant, jadis, quand vous m’avez épousée. Vous m’adoriez à deux genoux, vous ne rêviez que de l’instant où je serais vôtre. M’avez-vous fait assez attendre le moment où je deviendrais votre femme.
    — L’avez-vous regretté ?
    — Non. Notre première nuit a été divine. Je regrette seulement qu’elle ne se renouvelle que trop rarement. Je sais que votre santé mérite ménagements mais quand un homme aime sa femme…
    — Le malheur est que vous n’êtes pas la femme de cet homme et qu’il n’est pas, qu’il n’a jamais été le docteur Kernoa.
    Incapable d’en entendre davantage, Tournemine, un pistolet dans chaque main venait d’apparaître au seuil de la pièce. Derrière lui, Pongo, Winkleried et Malavoine allèrent prendre position aux différentes portes du salon. À sa vue, Judith poussa un cri perçant et enserra de ses bras le cou de son pseudo-mari qu’elle paralysa sans s’en douter.
    — Ah ça ! Mais qui êtes-vous ? fit celui-ci en faisant des efforts désespérés pour se lever et pour se débarrasser de la tendre chaîne.
    — Mon nom ne vous regarde pas. Je suis simplement l’époux de madame ; le seul valable.
    — Ce n’est pas vrai, cria Judith. Seul, Job est mon époux ! Je le croyais

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