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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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des matelas éventrés et qui risquait de gêner l’ouverture de la porte.
    Quand deux heures sonnèrent à l’horloge de la Bastille, Pongo marmotta entre ses dents une courte oraison propitiatoire, Gilles une rapide prière puis tous deux, tombant dans les bras l’un de l’autre avec un bel ensemble, s’accolèrent fraternellement.
    Le chevalier tira alors l’une des clefs de sa poche et tenta de l’introduire précautionneusement dans la serrure du bas. Ce n’était pas la bonne. Il en prit une autre, sans parvenir d’ailleurs à se défendre d’une vague angoisse. Ne se pouvait-il, après tout, que l’on changeât de temps en temps les serrures de la Bastille sans en avertir le roi ?
    Mais non. La seconde clef tournait aisément tandis que la première s’adaptait parfaitement à la serrure du haut… et la porte, doucement, s’ouvrit sans un grincement. Pour plus de sûreté, d’ailleurs, Gilles avait soigneusement graissé ses gonds avec ce qui restait de son huile à salade.
    « Quel dommage d’avoir mis un pareil artiste sur un trône où d’ailleurs il se déplaît si fort ! pensa-t-il. La serrurerie poussée à ce point de perfection c’est du génie… »
    L’un derrière l’autre, retenant leur souffle, les deux hommes gagnèrent les quelques marches qui donnaient accès au couronnement de la tour. Dans les profondeurs de celle-ci tout était silencieux. Seule, la petite toux sèche d’un des hommes de garde tout en bas de l’escalier parvint jusqu’à eux. L’acoustique, apparemment, était, excellente dans ce vaste cylindre de pierre.
    Restait à ouvrir la dernière porte. Lentement, doucement, Tournemine approcha la clef de la serrure, la fit pénétrer, tourna avec une extrême lenteur… Mais cette clef-là était aussi bonne que les deux autres et le vantail s’ouvrit lui aussi sans la moindre difficulté : les candidats à l’évasion se retrouvèrent sous le ciel, à l’air libre.
    Peu engageant le ciel en question. Noir comme de l’encre, il continuait à dégoutter continuellement transformant la plate-forme en une grande flaque d’eau que n’éclairait aucun reflet. Un peu en arrière des créneaux, assez retirés pour que leurs bouches n’y apparussent pas, on pouvait deviner la silhouette menaçante des canons.
    En débouchant sur la tour de la Liberté dont ils espéraient bien qu’elle n’allait pas les décevoir, Gilles et Pongo oubliant la pluie se donnèrent la joie de respirer deux ou trois fois très profondément, emplissant avec délices leurs poumons de l’air humide et froid, cependant que leurs yeux, vite accoutumés à l’obscurité, fouillaient l’immensité qui les entourait. Au-delà des tours et de leurs tourelles d’escaliers qui ressemblaient à des champignons, Paris était étendu à leurs pieds.
    En dépit de la nuit pluvieuse, quelques points lumineux perçaient l’obscurité, feux brûlant auprès de corps de garde ou lanternes dansant sur leurs cordes aux carrefours. Par meilleur temps on eût distingué aisément les hauteurs de Montmartre et de Montrouge, avec leurs moulins, les tours plus proches de Notre-Dame, la flèche de la Sainte-Chapelle et le long ruban, à peine moiré, de la Seine.
    Vues de cette hauteur, les choses semblaient étonnamment paisibles et rassurantes. Aucun bruit ne se faisait entendre, rien ne bougeait. Aussi les fugitifs éprouvèrent-ils un instant l’impression d’être seuls au monde sous le regard de Dieu. Mais ils n’étaient pas là pour philosopher en contemplant le paysage.
    Rassurés par le grand silence, ils se dirigèrent vers le bord de la plate-forme, tirant après eux leur corde dont ils éprouvèrent vigoureusement la solidité.
    — Ça devrait pouvoir aller, chuchota Tournemine.
    Jetant un coup d’œil en bas, il mesura la hauteur de la tour, la largeur du fossé. Le reflet d’un quinquet de corps de garde allumé quelque part vers l’entrée de la forteresse lui arracha une exclamation satisfaite.
    — Le fossé est presque plein. La Seine doit être très haute…
    De l’autre côté s’élevait la haute contrescarpe, coiffée d’une galerie couverte sur laquelle, passé l’angle de la tour du Puits qui se trouvait à droite de la Liberté, devait attendre l’inconnu chargé de leur prêter assistance. Malheureusement, sur cette galerie devaient se trouver aussi deux ou trois sentinelles qu’il s’agissait de ne pas alerter. Au-delà, les fugitifs pouvaient voir la

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