Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
injustement vilipendés. De quoi les jaloux ne l’accusaient-ils pas ? On l’avait dit voleur, criminel même, rapace, concussionnaire, pervers, traître à toutes sortes de causes tant il est vrai qu’en France, si l’on veut jouir de l’amitié de tous, il faut ne dépasser personne…
    Or, Gilles vit un homme qui avait plus du double de son âge et que, cependant, il pouvait traiter en frère aîné tant il avait de jeunesse véritable et de gentillesse, un homme qui, en dépit d’un léger début de surdité, savait entendre un soupir de tristesse, un homme qui se passionnait pour toutes les causes humaines et dont les soucis allaient des insurgents d’Amérique et des protestants de France aux œuvres de Voltaire interdites sur le territoire français, un homme qui se préoccupait de progrès, se battait pour que Paris eût l’eau courante et pour que l’homme en vînt à conquérir l’espace aérien, un homme qui aimait les femmes, certes, la vie facile, le luxe, l’amour, l’argent… mais qui savait merveilleusement partager tout cela.
    Et puis il y avait Thérèse. Thérèse qui remplaçait auprès de Pierre-Augustin les chères petites sœurs que la vie avait écartées plus ou moins de sa maison. Thérèse qui avait élevé l’art de vivre à la hauteur d’une institution…
    Ennemie jurée de tout ce qui n’était pas l’ordre, la propreté et le confort, Thérèse, en bonne Suissesse doublée de Flamande, ne pouvait concevoir sa luxueuse maison qu’étincelante de propreté. Chez elle, le linge était neigeux, les parquets miroitants, l’argenterie fulgurante, les meubles luisants de bonne santé, embaumés de cire d’abeille et les soieries aussi fraîches que les fleurs du jardin. Un jardin qui, surveillé d’aussi près que le reste, voyait ses pelouses balayées chaque matin et recevait des soins si sévères qu’il ne serait certainement venu à l’idée d’aucune haie, bordure de buis ou oranger en caisse de se permettre la moindre négligence en matière d’alignement.
    Mais c’était surtout à la cuisine que le génie de Thérèse donnait toute sa mesure. Beaumarchais était gourmand, aimait recevoir avec éclat et souvent, et Thérèse faisait en sorte qu’il n’eût jamais le plus petit reproche à lui adresser. Fine cuisinière, elle n’avait confiance qu’en elle-même pour le choix des denrées appelées à l’honneur de figurer sur la table du grand homme. Aussi chaque matin, à heure fixe, pouvait-on la voir, vêtue avec simplicité, s’en aller faire son marché suivie d’un ou deux valets armés de grands paniers et parfois même, les jours de grand souper comme le samedi, d’une charrette destinée à rapporter les provisions.
    Quand elle rentrait, le sous-sol de sa maison se changeait en une sorte de palais de Dame Tartine d’où s’évadaient des senteurs exquises, évocatrices de préparations délectables, qui embaumaient l’escalier et montaient jusqu’au niveau des chambres.
    Mais ces belles vertus ménagères n’empêchaient nullement la jeune femme d’être joliment cultivée et de jouer de la harpe en artiste. Douce et gaie, toujours miraculeusement nette dans ses robes claires, même les jours de confitures ou de gibier, d’une discrète élégance, elle pouvait représenter pour un homme de goût la compagne idéale et Gilles, peu à peu, se prit pour cette charmante femme d’une affection sincère et fraternelle qu’on lui rendit bientôt avec usure et sans la moindre arrière-pensée d’ailleurs.
    C’était Thérèse encore qui avait fait confectionner les vêtements neufs dont Pierre-Augustin, généreusement, avait pourvu les deux évadés arrivés pratiquement nus chez lui, et elle y avait mis non seulement son goût mais la délicatesse que l’on réserve aux êtres chers. De cela aussi Gilles lui était reconnaissant.
    Il s’attachait, enfin, à la petite Eugénie, l’enfant que Thérèse avait donné à son amant neuf ans plus tôt. La fillette tenait de son père une pétulance de vif-argent et, si le charme discret de sa mère apparaissait déjà en elle, Eugénie n’en promenait pas moins sur le monde environnant des regards précocement conquérants qui choisissaient ou repoussaient sans appel les pauvres mortels offerts à ses yeux.
    Elle avait adopté d’enthousiasme Gilles et Pongo quand, après quelques jours de claustration totale, Pierre-Augustin les avait présentés officiellement à sa maisonnée sous les

Weitere Kostenlose Bücher