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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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celle qui s’était détournée de lui pour s’en aller vers la couche de l’ennemi ne viendrait plus troubler certaines de ses nuits, s’interposer avec arrogance entre lui et Judith… La belle aventure indienne allait entrer définitivement dans les limbes brumeuses des amours passées…
    Pourquoi fallut-il, alors, qu’il posât à Tim une question de trop ?
    — De quoi est-elle morte ? Le sais-tu ?…
    Tim fit signe que oui puis, détournant la tête :
    — Elle est morte d’une fièvre de lait, environ neuf mois après avoir rejoint le camp de Cornplanter. Elle venait de mettre au monde un enfant… un garçon qui avait la peau brune mais les cheveux blonds et les yeux bleus.
    En dépit de sa maîtrise de lui-même, Gilles eut un mouvement si brusque que son cheval fit un écart et manqua le jeter au fossé. Il le ramena, machinalement, dans le droit chemin puis tourna vers le profil immobile de son ami un visage brusquement décoloré :
    — Qu’est-ce que tu viens de dire ?
    — Je n’ai rien dit. Tu m’as demandé comment est morte la fille du dernier sagamore des Algonquins et je t’ai répondu.
    — Mais l’enfant… Qu’est devenu l’enfant ? Vit-il ?
    — Celui qui ma raconté l’histoire m’a dit que c’était un bel enfant, déjà vigoureux et que Cornplanter le traitait mieux que ses autres fils car il voit en lui un cadeau du Grand Esprit, le fils du Soleil et de la Lune en quelque sorte et il pense que les dieux le lui ont envoyé pour régner un jour, non seulement sur les Six Nations iroquoises mais aussi sur les autres races indiennes, sur les derniers Algonquins enfin ralliés, et pourquoi pas sur les Blancs… Peut-être a-t-il raison, d’ailleurs… peut-être que cet enfant est promis à un grand destin ?
    — Un fils…, murmura Gilles bouleversé, j’ai un fils.
    Le mot, si nouveau pour lui, si lourd d’orgueil et de joie profonde, le grisait. Jamais encore il n’avait éprouvé chose semblable. Il se sentait un peu ivre tout à coup mais sans pour autant perdre complètement le sens des réalités. En lui-même il calculait que l’enfant devait avoir trois ans, que c’était déjà un homme en réduction… et que l’idée lui était insupportable de le savoir aux mains du Planteur de Maïs. Non sans un brin de perfidie, d’ailleurs, Tim corrigeait déjà les mots de son triomphe.
    — Cornplanter a un fils, dit-il placidement, … à moins qu’un autre guerrier ne vienne le réclamer pour sien. Viendras-tu ? Quand les neiges de l’hiver auront recouvert la vallée du Mohawk, il sera difficile d’approcher des feux de cuisine du sachem. Sa puissance est grande et ses guerriers nombreux.
    Le regard dont Gilles l’enveloppa était lourd de reproches.
    — Tu n’aurais pas dû me dire tout cela, Tim… pas encore car j’ai besoin de garder l’esprit clair et le cœur libre. Si rien ne s’y opposait, je te jure, sur l’honneur de mon père et sur mon âme, qu’aucune force, aucune loi humaine ne pourrait m’empêcher de partir avec toi. Mais je ne m’appartiens pas… tout au moins tant que je n’aurai pas repris celle que Dieu m’a donnée. Jusque-là, je te demande, sur notre amitié, de ne jamais me parler du fils de Sitapanoki…
    — Pourquoi parlerais-je encore ? Je ne sais rien de plus…
    Ils avaient rejoint la Seine. Rousse et violette, elle baignait un village aux maisons blanches, aux toits bruns, aux murs garnis de somptueuses treilles en espaliers. Après l’agitation de Fontainebleau, ce village paraissait étonnamment paisible, étendu dans la douceur de cette fin de journée, sous l’égrénement des premiers tintements de l’Angélus. De sa houssine, Gilles désigna une grande enseigne hardiment peinturlurée qui grinçait dans le vent du soir au-dessus d’une porte basse.
    — Voilà le Grand Pressoir, dit-il d’une voix qu’il s’efforçait de rendre naturelle et calme en dépit du bouleversement secret de son cœur où s’abritaient à la fois l’Enfer et le Paradis. Espérons que l’attente ne sera pas trop longue…
     
     
    Ce n’est que le lendemain soir, alors qu’il était déjà assez tard, que la longue silhouette de Fersen s’encadra au seuil de la chambre où Gilles, de plus en plus nerveux, faisait les cent pas tandis que Tim, accroupi près de la cheminée, grillait des châtaignes. Soudain immobile, le chevalier chercha des yeux le regard du Suédois.
    — Alors ? demanda-t-il

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