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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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seulement.
    Fersen rejeta en arrière son manteau de cheval, ôta ses gants et vint tendre à la flamme ses longues mains blanches dont il prenait le plus grand soin.
    — Je ne peux rien te dire. La reine veut te voir.
    Gilles fronça le sourcil.
    — Pourquoi ? Ne lui as-tu pas dit…
    — J’ai dit tout ce que je pouvais dire. Elle ne m’a donné aucune autre réponse que ce que je viens de dire : elle veut te voir.
    — Je n’aime guère cela… Elle a trop d’amitié pour toi sans doute, pour te charger d’une mauvaise commission. Qu’importe, je verrai donc Sa Majesté puisqu’elle l’ordonne. Dis-moi seulement où et quand ?
    — Il y a bal ce soir, au palais. Je dois te conduire vers minuit dans le Parterre. C’est là que tu la rencontreras. Et comme cela nous laisse plus de deux heures, je ne serais pas fâché de goûter le vin de la maison que Tim trouve si bon accompagné de quelque nourriture car je meurs de faim. Si tu veux tout savoir, je n’ai rien mangé depuis hier soir.
    — Comment cela ? fit Tim en lui offrant gracieusement une châtaigne brûlante piquée sur une fourchette. Ton prince et ta duchesse ne t’ont pas nourri ?
    — Monseigneur d’Artois qui me loge gracieusement dans une mansarde sous ses toits m’a nourri hier soir mais aujourd’hui je n’ai décroché aucune invitation. Le prince chassait avec le roi, toute la Cour était en forêt et les auberges beaucoup trop pleines. N’oublie pas que moi aussi je suis ici en contrebande.
    — Tu n’avais pas besoin d’en dire tant pour que je t’invite à souper, dit Gilles. Je dois tous les égards à mon messager. Descendons. Je crois que tu ne seras pas mécontent de la maison…
     
     
    Il était un peu plus de onze heures et demie quand Tournemine et Fersen, après avoir traversé Ablon endormie, pénétrèrent dans le parc du château par la Porte Rouge et laissèrent leurs chevaux au corps de garde. On leur avait ouvert sans difficulté quand le Suédois eut donné le mot de passe de la nuit. D’un pas rapide, car il s’en fallait d’un bon quart de lieue qu’ils n’atteignent le Parterre, ils suivirent le long canal étiré à travers le parc jusqu’à la héronnière du roi François I er et jusqu’aux Cascades dont les eaux moussaient dans un large bassin. Personne ne croisa leur chemin qu’ils accomplirent dans le plus grand silence, simplement parce qu’ils n’avaient pas envie de parler. Tout en marchant ils se contentaient de regarder le palais grandir devant eux avec ses fenêtres brillantes et ses grands toits pentus dont les ardoises fines luisaient doucement sous la lumière timide d’un croissant de lune accroché au plus haut d’entre eux.
    Près des Cascades, un escalier les conduisit à la terrasse entourant le Parterre, vaste jardin carré de trois hectares ordonné et brodé comme un tapis précieux par les jardiniers du Grand Siècle. Des arbres bien taillés cernaient cette terrasse qu’une large avenue plantée d’une double rangée de grands tilleuls séparait de l’étang des Carpes.
    Cette nuit, le Parterre offrait un spectacle féerique grâce aux flots de lumière déversée par les hautes fenêtres de la salle de bal qui dominaient l’un de ses angles, grâce aussi aux cordons de petites lampes qui jouaient les lucioles parmi ses festons et ses astragales de verdure. La musique affaiblie d’un menuet accompagnait à merveille la chanson grêle de la fontaine centrale, représentant un Tibre de bronze divinisé par le ciseau génial de Primatice.
    Toujours sans un mot, Fersen conduisit son ami jusqu’à l’épaisse frange de tilleuls qui étalait son ombre entre la féerie du Parterre et les reflets argentés de l’étang. Ils atteignirent cette zone obscure au moment précis où minuit sonnait simultanément à l’horloge du palais et à l’église voisine.
    — Nous sommes exacts, chuchota Fersen, mais peut-être aurons-nous à patienter un moment. Bien sûr, la reine m’a dit qu’elle se retirerait avant minuit mais on ne peut…
    Il se tut soudain, tendant l’oreille. Comme pour lui donner un démenti un bruit léger de pas et de soies froissées arrivait sous l’ombre des arbres. Deux femmes approchaient, couvertes toutes deux de grandes mantes de soie ouatée destinées à les défendre de la fraîcheur de la nuit et des eaux plus qu’à les dissimuler car celle qui marchait en avant, plus grande et plus majestueuse que sa compagne, érigeait

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