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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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connaître ! éructa le jeune écuyer qui tremblait à présent et claquait des dents.
    — N’est-il point temps d’expédier notre premier otage, messire Brachet ? » s’inquiéta Luc Finebranche, la main sur la goupille qui retenait la grosse poche de cuir sur la glissière de l’arbrier, près des semelles du trébuchet.
    Ou je passai outre à la supplique du jeune écuyer et courrai le risque de ne jamais savoir s’il s’agissait de ma sœur Isabeau de Guirande, ou nous nous discréditions auprès de nos ennemis si nous ne mettions nos menaces à exécution.
     
    Le dilemme était épouvantable. Les yeux de mes compains d’armes étaient fixés sur moi. Tous attendaient ma décision. Une alternative était-elle encore possible ? Oui, mais cruelle.
     
    Je tranchai le nœud gordien en m’adressant à l’écuyer en ces termes : « Soit ! Tu prendras la place de ton maître céans ! Bien avant que ton tour ne soit venu ! »
     
    J’eus la vague impression d’ordonner ma propre exécution.

Lorsque les paroles de ses envoyés sont trompeuses, mais que l’ennemi avance avec ostentation, il va battre en retraite.
    Lorsque ses émissaires parlent en termes flatteurs, cela veut dire que l’ennemi souhaite une trêve.
    Lorsque, sans entente préalable, l’ennemi demande une trêve, il complote.
     
    L’art de la guerre, Des marches,
    Sun Tzu, général de l’Empire du Milieu entre l’an 400 et 320 av. J. -C.
    Chapitre 4
    À Commarque, en l’an de grâce MCCCXLVIII, peu avant les ides de novembre {13} .
    Je n’eus pas à exercer de nouvelles et mortelles représailles pour raison de guerre. Aurais-je pu commettre ce crime ? Ce jour d’hui, je ne sais encore. Quoiqu’il en fut, ni le fendant chevalier de Castelnaud d’Auzan ni son écuyer malchanceux, Hugues de Queyssac, ne prirent leur envol avant de fondre sur une proie qu’ils n’auraient d’ailleurs pas réussi à serrer dans leurs griffes. Ils auraient été décervelés avant de pouvoir quérir la clémence du lieutenant général de l’armée anglaise en le duché d’Aquitaine, messire Henri de Lancastre, comte de Derby.
    En effet, il nous fit parvenir un message enflammé, à l’instant même où j’hésitais entre trancher le col de l’écuyer ou libérer la corde qui retenait le berceau du trébuchet.
    Ce grand seigneur nous proposait une trêve. Le temps d’ensevelir les nombreux compains d’armes qui auraient été mortellement atteints par les flèches des magnifiques archers de sa compagnie… osait-il affirmer, sans vergogne aucune, passant sous silence le carnage qu’avaient provoqué les jets de nos machines de guerre dans ses propres rangs. Nous savions qu’il comptait plus de morts dans son camp, que nous de blessés dans notre village. Mais l’ours anglais ne tarderait pas à hiberner. Il était temps de le laisser en paix, sans chatouiller outre mesure sa susceptibilité.
     
    C’est ainsi qu’à la suite d’un échange de flèches porteuses de notes manuscrites, et d’une négociation rapide, nous convînmes de recevoir trois chevaliers et six écuyers en nos murs, porteurs du projet de trêve.
    Pour la sécurité de leurs émissaires, il nous fut prié de procéder à un échange de même nature. Guillaume de Lebestourac se proposa incontinent. Il souhaita être accompagné par ses deux écuyers en simple haubert. J’acquiesçai. Thibaut d’Agenais se proposa aussi. Je refusai tout d’abord. N’était-il pas d’une tempérance, d’un esprit quelque peu versatile ? Il m’inspirait un sentiment réservé quant à ses fidélités vassaliques. Je le remerciai de son dévouement et invoquai, pour justifier mon refus et avec raison aussi courtoise que fausse, de la précieuse nécessité de sa présence parmi nous.
    À voir le visage chafouin, pour ne pas dire desfacié d’aucuns sur lesquels je portais mon regard, alors qu’ils n’avaient point offert leurs services pour cette périlleuse mission, je sus que mon choix était bien inspiré : nous avions plus à craindre de la faiblesse de certains de nos otages que de la force de caractère qui animait les volontaires. Car l’ennemi répugne plus à exécuter les forts, qu’à trancher le col des plus faibles sans remords.
    Sauf à les persuader de se mettre à son service en qualité d’espion ou de familier, en échange de leur vie sauve. Alternative qu’il ne propose, la plupart du temps, qu’à ceux dont l’esprit lui paraît le moins

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