Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
Vom Netzwerk:
n’avez pas commis ce crime odieux, vous avez protégé l’assassin ! Celui que vous dites être votre fils adulteire ! »
    Le fier chevalier blêmit sous l’insulte. Il leva la main, paume ouverte, prêt à me gifler. Je le regardai sans esquiver la moindre parade.
    Nous nous observâmes un long moment, les yeux dans les yeux. Il finit par baisser le bras. Son dos se voûta. Il baissa le bras et m’avoua, en se signant :
    « Ce jour-là, j’ai suivi Arnaud. Je voulais savoir qui fréquentait-il aussi souventes fois lors de ses escapades en notre bastide loyale du Mont-de-Domme. C’est alors que je l’ai vu entrer, puis sortir précipitamment de la chapelle de la maison forte de la commanderie de Cénac, en jetant des coups d’œil appuyés, à dextre et à senestre. Il n’y avait pas âme qui vive.
    « J’y suis entré discrètement, à mon tour. Le corps du chevalier Gilles de Sainte-Croix était encore chaud. Arnaud, mon fils, ne pouvait avoir commis ce crime. Mais, pour le protéger, je me suis tu, avoua Montfort dans un souffle.
    — Au risque de me laisser condamner à mort par le tribunal de Sarlat !
    — Que nenni, messire Brachet. C’est moi-même, en un accord secret avec le baron, votre compère de baptême, qui ait recueilli la déposition du maître forgeron des Mirandes qui vous innocentait. »
    Le doute s’insinua dans mon esprit : me serais-je trompé sur Arnaud de la Vigerie ? Je renchéris :
    « Et ne serait-ce pas lui, non plus, qui aurait occis le père Louis-Jean d’Aigrefeuille, en la cathédrale de Famagouste ? Pour lui dérober les fioles sacrées ? Le Saint Graal ? L’eau et le sang du Christ ? La mort par la pestilence plus sûrement que le gage de la vie éternelle ?
    — Qui êtes-vous, messire Brachet, pour prétendre détenir la vérité ? Arnaud est de mon sang. Je vous en ai fait l’aveu, sous le sceau du secret après l’ordalie, ce terrible jugement de Dieu contre le champion du roi de Chypre et de Jérusalem. Ne vous en souviendriez-vous point ? Nicosie, Famagouste, sous ses parfums d’Orient, l’île de Chypre est un nid truffé d’espions de tous bords : Hachichiyyins, juifs, familiers aussi au service de l’Hôpital, du roi et du Saint-Siège…
    — Arnaud n’est pas de votre sang ! Il est le fruit de la première union de dame Éléonore de Guirande et d’un notaire royal, ou d’un viguier, Bartélémy Hénée de la Vigerie. Elle-même me l’a avoué. Sans jamais oser vous détromper. Pour que vous veilliez sur l’éducation chevaleresque que son père ne pouvait plus lui donner. Arnaud est né deux ou trois mois avant que vous n’ayez une relation chamelle et passionnée avec celle qui allait devenir l’épouse du baron de Beynac », l’interrompis-je sèchement.
    — Vous mentez, vous mentez odieusement ! Dans quel but ? Comment pouvez-vous prononcer d’aussi félonnes paroles ? Serait-ce parce que l’épouse du baron aurait éconduit vos avances ? »
    Cette fois, ce fut moi qui levais la main sur lui. Il se redressa, serra les mâchoires et me cracha son venin à la figure, par ces mots autrement blessants :
    « Comment oser lever la main sur moi ? Moi qui vous ai sauvé la vie à deux reprises ? Une première fois pour vous éviter les tourmenteurs, une deuxième fois pour vous épargner le supplice du pal ! »
    Je baissai les yeux. Et la main. Avant de poursuivre plus calmement :
    « Pardonnez-moi, messire de Montfort. Il n’est point dans mes intentions de vous offenser ou de vous mentir. Ce que je vous dis est la vérité. »
    J’aurais dû alors lui exhiber les actes généalogiques en ma possession. Je ne le fis pas et ne devais le regretter que bien plus tard. Mon enquête aurait progressé à grands pas.
    Sur le champ, je me contentai de lui conseiller :
    « Ne pensez-vous pas qu’il serait grand temps que vous ayez une explication avec la veuve du baron ? Elle seule sait qui est le père d’Arnaud. Et à la parfin, peut-être m’a-t-elle menti ? Cette dame est perverse, ne vous en déplaise, messire Foulques. Prenez langue avec icelle et découvrez l’insondable vérité de sa bouche, une bonne fois ! Je reste à votre disposition pour confirmer mes déclarations en sa présence si vous le jugez utile. »
    La confrontation n’eut jamais lieu. Foulques de Montfort ne me parla plus, ce jour, de sa douteuse paternité. Mais quelque chose me dit qu’il ne tarderait pas à découvrir la

Weitere Kostenlose Bücher