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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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à cors et à cris. Ils leur rendirent d’ailleurs un bel hommage, car ils les élurent « rois du tournoiement », selon une très ancienne coutume populaire.
    Une heure plus tard, ils étaient sortis du pavillon où Marguerite et le barbier leur avaient prodigué leurs soins, les avaient pansés et bandés de lanières de linge, tels des momies de l’ancienne Égypte. Ils tonitruaient à oreilles étourdies, leur godet de vin à la main, plus ronds que des queues de pelle :
     
    L’hospital nous accueillit
    Pour soigner nos corps meurtris.
    Les mires, des narines,
    Humèrent nos orines,
    Avant d’en goûter l’humeur
    Et d’en dire la saveur.
    Ce fut magnifique fin
    Pour de brillants physiciens
    Occis par de trop bons vins !

    Je passais une bonne partie de la nuit, au grand dam de Marguerite, à consulter moult codex et parchemins dans la librairie du château de Beynac. En vain. Seuls des mestres-capitaines sauraient me montrer, sur une carte, à quoi pouvait bien correspondre ce nombre chargé des mystères du Temple de Salomon.
    Mais des navigateurs, il n’y en avait point parmi nous. Quelques gabarriers bien incapables d’expliquer ces mesures sur une carte.
    De guerre lasse, je refermai le dernier traité, enroulai les parchemins et tournai la clef dans la porte. Combien de temps devrais-je encore attendre ? Attendre, toujours attendre alors que je bouillais d’impatience ! Et attendre quoi, à la parfin ? Le secret templier ne pouvait qu’être enfoui dans la salle souterraine de l’ancienne commanderie templière, près du village fortifié de Commarque. Et pourtant ? Azimut 31.47 !

    Le lendemain, les dernières joutes opposèrent un impressionnant chevalier de l’Ordo sanctæ Mariae Teutonicorum , le Deutscher Ritterorden , l’Ordre de Sainte-Marie des Allemands encore appelé Sainte-Marie des Teutoniques. Il portait les couleurs de son Ordre, au blanc mantel à la croix de sable chargée d’une croix d’or potencée et fleurdelysée et d’un écusson à une aigle de sable brochant sur le tout . Son heaume était surmonté d’un ornement en forme de corne, sans plumage.

    Le chevalier Wilhelm von Forstner était de passage dans le Pierregord, accompagné de trois frères-servants, pour recruter des chevaliers français à un pèlerinage de la Croix contre leurs ennemis de Lituanie, l’hiver prochain. Y participer valait indulgence plénière et rémission de tous les péchés, selon une bulle fulminée depuis longtemps par un de nos Souverains Pontifes.
    Cependant, en raison des menaces de reprise de la guerre en nos duchés d’Aquitaine, de Bretagne, de Normandie, dans l’Angoûmois et la Saintonge, son invitation eut, je crois, peu d’échos parmi nous. Marienbourg, le siège du grand maître de l’Ordre, les païens de Lituanie, le froid, la neige, les lacs gelés que des soldats de fervêtus lourdement équipés traversaient à cheval au risque de crever la glace et d’être engloutis, tout cela n’était pas très enthousiasmant…
    Deux lances furent brisées. La troisième eut raison des armes d’argent à la herse de sable, celles de notre vaillant capitaine d’armes de la place de Beynac, Hélie de Pommiers. Il se retrouva en équilibre instable, sur un seul étrier, le cul à cheval derrière le troussequin. S’il ne vida pas les arçons, ce fut un miracle.

    À la remise des prix, le redoutable chevalier chypriote, Geoffroy de Sidon, reçut le plus haut prix décerné par le baron de Beynac pour ce grand tournoiement : un superbe faucon dressé.
    À chacun des trois autres barons du Pierregord, fut remis un lévrier de noble origine, bien que leur réussite eût été de fortune inégale. Ne point les déçoivre, ne point les embufer. Il en allait de leur féalité…
    Je reçus le troisième prix, un mouton d’or suspendu à une chaîne d’item métal, que j’offris à ma dame de cœur, ma gente épouse Marguerite.
    Furent ensuite remis plusieurs lots de consolation pour les autres jouteurs. Le chevalier teutonique, Wilhelm von Forstner, bien que fort vaillant et jamais vaincu, ne reçut qu’une solide jument normande, car il joutait hors compétition.
    Vint le récolement des rançons à plaisance par les vaincus, pas si plaisantes que ça pour d’aucuns sires de la route qui furent dépouillés de leur harnois, de leur sellerie, de leurs chevaux et leurs aumônières soulagées d’étincelants écus d’or de bon aloi.
    Les lots furent répartis

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