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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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déchira.
    Je jetai le fragment en l’air et lui fit savoir que s’il me retirait le moindre point pour mes joutes, je tâterais l’humeur de son gentil trou du cul en lui enfonçant profondément dans l’anus le doigt que j’avais le plus long et le plus gros, mais me garderais bien de goûter ses orines que je craignais par trop peu ragoûtantes, à en croire les effluves qui se dégageaient de sa gente personne.
    Joignant le geste à la parole, je me penchai sur ses chausses et détournai aussitôt la tête avec une grimace qui me tordit la bouche en un rictus de répulsion.
    Loin de s’offenser de ce que je considérai comme une grave insulte vis-à-vis d’un gentilhomme, contrairement à toute attente, le malingre poursuivant d’armes se fendit d’un large sourire et m’invita à régler ce litige, le soir même, en ce pavillon que ses serviteurs avaient estravé non loin de là.
    Alors, si je souhaitais souper en sa compagnie…, m’avait-il susurré à l’oreille. Et, joignant le geste à la parole, il avait pointé le majeur en direction d’une superbe tente écarlate, richement parée des blasons armoriés de moult chevaliers d’oc. Les hampes qui la maintenaient étaient aussi roides que des phallus en quête des lointains délices de Sodome et Gomorre.
    Car en vérité, je dois avouer que ses chausses fleuraient bon la délicate senteur des fleurs d’oranger. Ou de fougère. Ou de musc.
    Je ne m’en souviens plus.
     
    Je ramassai un des éclats de lance qui jonchaient le sol et dessinai sur le sable les lettres magiques. Ses yeux s’éclairèrent alors et il répéta le mot en hochant la tête. Cela ne m’avançait guère.
    J’allais tourner les talons lorsque je sentis sa main me retenir le bras. Il me désignait un autre sire de sa route que des écuyers préparaient pour la joute. Nous nous dirigeâmes vers lui.
    Il m’expliqua qu’ils venaient de Castille, de misérables seigneuries dont les terres étaient si incultes, si arides que les moines et les manants les avaient désertées. Il était le seul de sa troupe à savoir lire et écrire.
    « ¿ Az-samt ? ¿ Entiendes esta expresion ? {30}
    — Esta palabre vienne del idioma Moro. “El azimuth”, {31} répondit son compain castillan en me traduisant sa réponse dans un français incertain et en roulant les “r”.
    — Pouvez-vous lui demander ce qu’elle signifie, tentai-je.
    — Esta utilisado por los navigatores. Permite tener el latitud de un lugar, sobre la tierra o el mar. {32}  »
    Malgré son fort accent, je réussis cette fois à comprendre le sens de ces mots.
    « Pouvez-vous lui demander s’il connaît la signification du nombre 31.47 ? » insistai-je, en dessinant les chiffres sur le sable, entre deux crottins fumants.
    Le chevalier fit une moue avec la bouche en levant ses sourcils.
    Puis il claqua le mézail sur son bacinet lorsque son compain l’eut aidé à se hisser à cheval. Il éperonna et se dirigea vers le pas d’armes.
    Un peu dépité, je les remerciai chaleureusement en leur souhaitant bonnes joutes à plaisance, et m’éloignai à grands pas.
    Pour aller où ? Nulle part. Pour apazimer mon esprit en grand émeuvement. À la parfin, j’avais pourtant obtenu un précieux renseignement. La latitude d’un lieu. Az-samt indiquait la latitude d’un lieu. Cette notion m’était étrangère. La librairie du château ne renfermerait-elle pas quelque ouvrage savant, quelques cartes sur lesquelles cette notion serait expliquée ?

    Le soir tombait que nos deux autres chevaliers d’oc joustaient encore, passant outre aux ordres des poursuivants d’armes qui les invectivaient à gueule bec et les pourchassaient sur le champ clos, tentant vainement de calmer leur folle ardeur.
    Eussent-ils été caployants, qu’ils auraient poursuivi le combat à l’épée, à l’aspersoir d’eau bénite ou à la masse d’armes jusqu’à ce que mort s’en suive pour l’un d’eux. Ah, mes amis, quelle bataille ! Quelle rage ! Que de lances rompues !
    Les deux chevaliers, à la vingtième joute, ne parvenaient plus à pointer la lance droite. Ils chûrent en même temps sur le cul, les quatre fers en l’air, chutes amorties par le crottin de leurs chevaux qui maculait la lice, et s’emmistoyèrent dans les bras l’un de l’autre, accolés en une dernière étreinte. Une surprenante et heureuse réconciliation !
    Les spectateurs, en grande liesse, ne s’y trompaient pas et les encouragèrent

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