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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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troupe de douze archers et douze valets d’armes triés sur la claie avait pris le contrôle des remparts d’icelui côté.

    Soudain, trois sonneries de cor retentirent et l’on hurla à oreilles étourdies : « À l’arme ! À l’arme ! »
    De là où nous tenions, nous vîmes nos archers et nos valets d’armes faire merveille. Protégés par la courtine intérieure de l’étroit chemin de ronde, ils bousculèrent, taillèrent, transpercèrent et repoussèrent vaillamment l’assaut de tous ceux qui tentaient de les déloger. Deux des nôtres seulement furent occis et leur corps bascula, l’un sur la falaise, l’autre à l’intérieur de l’enceinte.
    Six autres gens d’armes avaient gravi la paroi. Soutenus par le tir de nos archers, ils se rendirent maîtres des courtines nord et ouest. Les derniers défenseurs se replièrent en grand désordre dans le donjon où ils se claquemurèrent, solidement retranchés.
    Nous occupions les remparts et contrôlions, de ce fait, le puits creusé dans la cour intérieure à quelque deux cents pas du donjon.

    L’aube pointait son col orangé à l’est, loin devant. À l’ouest, rien de nouveau. Jusqu’à ce qu’un premier coup de tonnerre retentisse, puis un second.
    Deux nuages de fumée grise enveloppèrent chacun des pots à feu, suivis de deux fracas assourdissants. Les bombardes avaient tiré leur première salve contre les murs du château de Castelnaud dont la basse-cour avait été investie pendant la nuit sans coup férir : aucun garde, aucun guetteur n’était aposté sur le mur de la première enceinte qui en contrôlait l’entrée.
    Les villageois, réveillés en sursaut, jaillirent de leurs logis, en chemise, pieds nus, agitèrent les bras et hurlèrent :
    « Le château est assiégé ! C’est la guerre ! C’est la guerre ! Que Dieu nous protège ! Sortez vite ! »
    D’autres se précipitèrent à l’intérieur pour évacuer leur famille, tandis que le tocsin sonnait à toute volée. Mieux valait prendre quelque distance si l’on ne voulait pas risquer de laisser sa peau dans la bataille qui était engagée. Un carreau d’arbalète, un coup d’épée, un boulet qui ricocherait…
    Le premier boulet, tiré depuis le pech, pulvérisa les hourds qui desservaient le chemin de ronde, à l’ouest, et ébrécha le mur de la salle des arbalètes. Le second ricocha sur le fer de lance des murailles. Dévié de sa course, il fracassa le toit en lauze d’une maison du village.
    Le pont-levis s’abaissa peu après dans un grincement de poulies et d’élingues. Je me tenais à trois cents pieds, mézail relevé, lance à l’arrêt, prêt à charger, à la tête d’un échelon de sergents montés, ceux qui tenteraient de le franchir. Éclat d’Orient, mon destrier de bataille, piaffait et ruait. Il avait hâte d’en découdre, lui aussi.
    Un groupe d’une trentaine de cavaliers, penons et bannières déployés tenta une sortie.
    Abritée derrière de hauts pavois, une compagnie d’arbalétriers, mise à notre disposition par le comte de Pierregord, était divisée en deux groupes sur deux lignes, l’un sur ma dextre, l’autre sur ma senestre. Elles se tenaient prêtes, arbalètes bandées, carreaux sur l’arbrier. Sur mon ordre, la première ligne décocha une volée de carreaux, en tir tendu.
    Plusieurs chevaux furent atteints au poitrail. Ils s’effondrèrent sur les antérieurs projetant leur cavalier cul par-dessus tête ; d’autres se couchèrent et écrasèrent les jambes ou le corps de celui qui les montait. D’aucuns, transpercés par une sagette, vidèrent les arçons ou, tirant les rênes, cabrèrent leur monture et basculèrent avec elle dans le fossé sec.
    Un nuage de fumée s’éleva du pech, au nord. On vit le boulet glisser sur le rempart ; on en perçut le feulement avant d’entendre le coup de tonnerre de la mise à feu.
     
    Cette erreur de trajectoire nous fut profitable : le boulet décola proprement le chef d’un chevalier de la maison de Castelnaud, fracassa la poitrine d’un autre, déchira une bannière et creva le pont-levis, désarçonnant d’autres cavaliers qui churent dans le fossé.
    Un deuxième tir des arbalétriers mit fin à la tentative de sortie. Quelques survivants regagnèrent en courant ou en claudiquant la poterne, abandonnant les blessés. Des chevaux et des gens d’armes jonchaient les fossés et le plancher de ce qui restait du pont-levis. D’aucuns

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