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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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puisai un écu d ’ or dans mon aumônière. Son œil brilla un bref instant, mais il se remochina en fixant ostensiblement mon aumônière.
    Au troisième écu, sa face rubiconde s ’ éclaira d ’ un franc sourire   :
    «   66 parts et 1 /10e de sel de pierre, 16 parts et 4/1 0e de soufre, 22 parts et 1/1 0e de charbon de bois, s ’ enthousiasma-t-il en joignant le geste à la parole.
    «   Mais, de grâce, ne le répétez à quiquionques, messire Brachet   !   »
     
    Une fois la boîte à poudre bien remplie, un des servants de cette nouvelle forme d ’ artillerie inséra dans l ’ orifice béant une bourre composée de paille et d ’ herbes sèches fortement comprimées. Il la fit glisser à l ’ intérieur du fut avec un bâton muni d ’ une grosse étoupe de caslin huilé.
    Deux autres servants soulevèrent le boulet en pierre polie et le firent rouler à l ’ intérieur de la bouche à feu.
    Avec d ’ infinies précautions, le maître des engins posa la boîte à poudre, précédemment dosée, à l ’ autre extrémité du canon, la cala à l ’ aide d ’ un coin en fer qu ’ il enfonça avec un martel de bois.
    Il saisit un brûlot que venait de lui tendre un servant, m ’ invita à reculer de dix pas et à plaquer les mains sur les oreilles.
    Un coup de tonnerre explosa dans mon crâne. La bombarde, bien que solidement arrimée sur son affût, cula de trois pas. Un épais nuage de fumée jaillit de la bouche tel un dragon crachant le feu. Le boulet disparut, invisible.
    Trois cents pieds plus loin, la courtine qui bordait l ’ intérieur des remparts vola en éclats. Une folle angoisse me noua la gorge tout à trac. Un doute terrible m ’ assaillit   : Marguerite s ’ y tenait un instant plus tôt avec deux ou trois autres archers. Mon cœur se serra, pris dans un étau. Que n ’ avais-je porté les yeux avant qu ’ on ne tirât le projectile   !
    Un linge jaune fut vivement agité sur le rempart nord, face à nous. De haut en bas.
    «   Trop court   », déclara le maître des tonnoires, impavide, en armant la deuxième bombarde.
    Cette fois, il choisit une autre boîte à poudres parmi celles qui, sagement rangées sur un établi, attendaient de remplir leur office. Je remarquai que la poignée portait une marque écarlate. Je craignis le pire.
    Le pire ne se produisit pas, mais le boulet pulvérisa cette fois un merlon du donjon, une coudée trop à senestre.
    «   Trop long   ! Trop de soufre   !   » commenta laconiquement le maître des engins.
    Il choisit cette fois une boîte à malices dont la poignée était peinte d ’ un jaune vif et l ’ inséra à l ’ arrière du canon, dans son logement.
    «   Refroidissez les futs   !   » ordonna-t-il aux servants.
    Il s balancèrent un seau d ’ eau.
    «   Jamais ainsi   ! rugit-il. Bandes d ’ idiots   ! Niquedouilles   ! Au prochain coup, vous pourriez éclater mes bébés. Ils étaient d ’ humeur chaude et vous les bouez brutalement d ’ eau froide. Froid et chaud font mauvaise alchimie ! Par Sainte-Barbe, je vous l’ai déjà expliqué mil fois : laisser couler un mince filet d’eau le long du fut jusqu’à ce que leur humeur tiédisse ! Bande de vaunéants ! Je retiendrai trois deniers sur votre solde ! Non, six deniers ! Et la prochaine fois, je vous chasserai en vous bottant le cul ! »
    À voir la dimension de ses pieds, la punition serait douloureuse.
    Reprenant une humeur qu’il devait avoir chaude mais sèche, il conseilla aux vaunéants de suivre sa démonstration en abusant des métaphores :
    « Prenez la cuiller et versez l’eau tout au long du fut, effleurez-en les lèvres avant d’y bouter le feu. Elles sont d’une extrême fragilité. Si vous saviez vous y prendre avec votre Mie, vous feriez de même. Mais vous n’êtes qu’une bande de cuistres.
    « Vous brutalisez la nature, vous ne la faites pas jouir : vous la violez. Savez-vous que ce crime est puni de mort ? Le savez-vous ou êtes-vous trop nigauds ? Une bombarde est une femelle qui mérite des attouchements délicats et prolongés avant de s’escambiller.
    « Être chaude et non point brûlante si vous souhaitez jouir d’un bel accouplement. Sinon elle vous pétera à la gueule. Son dernier spasme sera votre agonie lorsqu’elle vous aura desfaciés !
    « Bon, maintenant replacez mes bébés en position. Ils ont culé. Attention, deux pouces plus à dextre. Ôtez une cale d’un pouce ; le tir était trop

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