Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
Vom Netzwerk:
lier un ouvrier
à son lieu de travail. S'il désirait aller travailler ailleurs, son employeur
pouvait garder son livret de travail, ce qui signifiait qu'il ne pouvait être légalement
employé nulle part. Finalement, le 22 juin 1938, un décret spécial, promulgué
par le bureau du plan de quatre ans, institua la conscription du travail. Cette
mesure obligeait tout Allemand à travailler là où l'État le lui imposait. Les
travailleurs qui ne se présentaient pas à leur travail sans une excellente
excuse étaient passibles d'amendes et de peines de prison. Cette mesure
présentait évidemment des avantages. Un ouvrier ainsi enrôlé ne pouvait être
congédié par son employeur sans le consentement du bureau de placement
gouvernemental. Il avait la sécurité dans son travail, chose qu'il avait
rarement connue sous la République.
    Liés par tant de contrôles qui maintenaient les salaires à peine
au-dessus d'un niveau leur permettant de subsister, les travailleurs allemands,
comme le prolétariat romain, avaient leur cirque fourni par leurs dirigeants
pour détourner leur attention de leur condition misérable. « Il nous fallait
détourner l'attention des masses des valeurs matérielles vers les valeurs morales,
expliqua un jour le docteur Ley. Il est plus important de nourrir les âmes des
hommes que leurs ventres. » Ce fut ainsi qu'il conçut une organisation appelée Kraft
durch Freude (« La force par la joie »). Cette organisation fournissait ce
que l'on ne peut appeler que des loisirs enrégimentés. Dans une dictature
totalitaire au XXe siècle, comme peut-être dans les dictatures d'autrefois, il
semble nécessaire de contrôler non seulement les heures de travail, mais aussi
les heures de loisirs de l'individu. C'était à quoi veillait « La force par la
joie ». A l'époque pré-nazie, l'Allemagne avait des dizaines de milliers de
clubs consacrés à toutes sortes d'activités, des échecs au football en passant
par l'ornithologie. Sous le régime nazi, aucun groupe social, sportif ou
récréatif n'eut le droit de fonctionner en dehors du contrôle et de la
direction de Kraft durch Freude.
    Pour l'Allemand ordinaire du Troisième Reich, cette organisation
officielle couvrant toutes les activités de loisirs était sans doute mieux que
rien, si l'on ne vous laisse pas l'initiative de se distraire. Elle permettait
par exemple aux membres du Front du Travail de faire pour leurs vacances des
voyages ou des croisières à des prix défiant toute concurrence. Le docteur Ley
fit construire deux navires de 25 000 tonnes, dont l'un portait son nom, et il
en loua dix autres pour organiser des croisières pour Kraft durch Freude .
L'auteur de ces lignes participa à l'une de ces croisières; bien que la vie à
bord fût organisée par les leaders nazis jusqu'à un point insupportable (pour
lui), les travailleurs allemands semblaient bien s'amuser. Et à quel prix ! Une
croisière à Madère, par exemple, ne coûtait que 25 dollars, y compris le voyage
en train aller-retour jusqu'à un port allemand, et d'autres voyages étaient
tout aussi peu coûteux. Des plages au bord de la mer et sur des lacs furent
envahies par des milliers de vacanciers — l'une d'elles à Ruegen, sur la
Baltique, qui n'était pas terminée lorsque la guerre éclata, se vantait de
pouvoir loger 20 000 personnes — et, en hiver, des excursions spéciales pour
faire du ski dans les Alpes bavaroises étaient organisées à 11 dollars par
semaine, y compris le voyage en car, la pension, la location des skis et les
leçons d'un moniteur.
    Les sports, dont toutes les branches étaient contrôlées par « La
force par la joie », furent organisés sur une vaste échelle, plus de 7 millions
de personnes, d'après les chiffres officiels, en pratiquant annuellement.
L'organisation fournissait également au rabais des billets de théâtre, d'opéra
et de concerts, permettant ainsi aux travailleurs d'avoir des distractions plus
intellectuelles, comme le proclamaient souvent les fonctionnaires nazis. Kraft
durch Freude avait également son propre orchestre symphonique de 90 exécutants,
qui ne cessait de parcourir le pays, jouant souvent dans les plus petites
villes, où l'on n'avait généralement pas l'occasion d'entendre de la bonne
musique. Enfin, l'organisation prit sous sa coupe les quelque deux cents
institutions d'éducation adulte qui florissaient sous la République — mouvement
qui avait pris son origine en Scandinavie — et

Weitere Kostenlose Bücher