Le Troisième Reich, T1
blanches. « Lorsque pour la
première fois, je reconnus que le Juif est l’instigateur cupide, sans honte ni
pitié, de ce révoltant trafic du vice qui sévit dans l’écume des grandes villes,
je sentis un frisson glacé me parcourir le dos (61). »
Il entre beaucoup de sexualité morbide dans les diatribes d’Hitler
contre les Israélites. Ce trait caractérise également la presse viennoise de l’époque,
comme, plus tard, l’ignoble hebdomadaire Der Stuermer , publié par Julius
Streicher, un des compagnons favoris d’Hitler, Gauleiter de Franconie, perverti
notoire et certainement l’un des personnages les plus odieux, les plus suspects
aussi du Troisième Reich. Mein Kampf est semé de sombres allusions au
détournement d’innocentes jeunes filles chrétiennes par des Juifs grotesques, qui
de la sorte souillèrent le sang de leurs enfants. Hitler décrit « la
vision hallucinante de bâtards juifs, repoussants et cagneux, qui séduisent les
filles par centaines de mille ». Ainsi que l’a fait remarquer Rudolf
Holden, l’une des causes profondes de son antisémitisme pouvait fort bien être
le refoulement de ses désirs sexuels. Quoiqu’il n’eût alors pas beaucoup plus
de vingt ans, on ne lui connaît aucune relation féminine durant son séjour à
Vienne.
« Peu à peu, rapporte Hitler, je me mis à les haïr… Ce fut
l’époque de la plus grande agitation spirituelle que j’eus jamais à traverser. J’avais
cessé d’être un cosmopolite mollasson et j’étais devenu un antisémite (62). »
Il le resta, fanatique, aveugle, jusqu’à sa fin tragique. Son
dernier testament, écrit quelques heures avant sa mort, impute encore aux Juifs
la responsabilité d’une guerre qu’il suscita et qui l’engloutit avec son
Troisième Reich. Cette haine forcenée, que tant d’Allemands allaient contracter
comme une maladie, devait aboutir à un massacre si horrible qu’il laissera sur
la civilisation de notre époque une tache indélébile.
Au printemps 1913, Hitler quitta définitivement Vienne et alla
vivre dans cette Allemagne où, dit-il, son cœur fut et serait toujours. A
vingt-cinq ans, il devait passer aux yeux de tout le monde, lui-même excepté, pour
un raté intégral. N’ayant pu devenir ni peintre, ni architecte, il n’était
apparemment qu’un vagabond, passablement excentrique et la tête farcie de
lectures. Sans amis, sans famille, sans foyer, il possédait cependant une
inébranlable confiance en son étoile, une foi profonde et ardente en une
mission dont il eût été le dépositaire obligé.
On peut présumer qu’il quitta l’Autriche pour se dérober à la
conscription [11] .
Ce n’est pas qu’il fût lâche, mais il répugnait à l’idée de servir avec des
Juifs, des Slaves et des membres des autres races minoritaires de l’empire. Dans Mein Kampf , il déclare qu’il se rendit à Munich au printemps 1912 ;
sans doute s’agit-il d’une erreur, car un registre de police le mentionne comme
ayant habité Vienne jusqu’en mai 1913.
Les raisons qu’il avance pour son départ sont tout à fait du
genre pompeux :
Mon aversion intime pour l’État des Habsbourg augmentait
sans cesse… J’éprouvais une véritable répulsion pour la mixture de races que je
voyais dans la capitale, pour cette conglomération de Tchèques, de Polonais, de
Hongrois, de Ruthènes, de Serbes, de Croates : et, partout, ces éternels
parasites de l’humanité – les Juifs, toujours plus de Juifs. A mes yeux, la
ville gigantesque apparaissait comme le symbole de la profanation raciale… Plus
j’y vivais, plus croissait ma haine pour la mixture d’étrangers qui avaient
entrepris de ronger ce site antique de culture germanique… C’est pour toutes
ces raisons que se développa de plus en plus fortement mon besoin nostalgique d’aller
enfin là où, depuis mon enfance, je me sentais attiré par mes désirs et mon
amour secrets (63).
Le destin qui l’attendait dans ce pays tant chéri devait
dépasser ses rêves les plus fous. En Allemagne, pourtant, son statut fut celui
d’un étranger, d’un Autrichien, et le demeura presque jusqu’au moment où il
devint chancelier. Pour concevoir Hitler, il faut se le représenter, en effet, comme
un Autrichien qui atteignit l’âge adulte peu d’années avant l’écroulement de l’empire
de Habsbourg, qui ne sut prendre racine dans la civilisation de sa capitale, qui
s’imprégna de tous les préjugés, de toutes les
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