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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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puissantes, que sont, à défaut de l’Église, l’armée, ou
le cabinet, ou le chef de l’État. Le jeune Hitler comprit qu’un mouvement privé
de ces concours trouvera toujours difficile, sinon impossible, de prendre le
pouvoir. Et ce concours fut précisément celui qu’il eut l’habileté de gagner
dans les journées décisives de janvier 1933 à Berlin et qui seul leur permit, à
lui et à son Parti national socialiste, de conquérir le gouvernement d’un grand
pays.
    Il y eut à Vienne, pendant que s’y trouvait Hitler, un chef
politique qui avait pénétré cette notion, ainsi que la nécessité, pour un parti,
de s’édifier sur l’adhésion des masses : le docteur Karl Lueger, bourgmestre
de la ville et dirigeant du Parti social chrétien. Plus que quiconque, et bien
qu’ils ne se soient jamais rencontrés, il fut le mentor politique d’Hitler. Celui-ci
le considéra constamment comme « le plus grand maire allemand de tous les
temps… un homme d’État supérieur à tous les prétendus « diplomates »
de son époque… Si le docteur Karl Lueger avait vécu en Allemagne il aurait
compté parmi les grands esprits de notre peuple (52). »
    Certes, Hitler, tel qu’il devint ultérieurement, offre peu de
ressemblance avec cette personnalité sans détour, de ronde et forte carrure, de
joyeuse santé morale, idole des petites classes moyennes viennoises. Il est
vrai que Lueger devint le politicien le plus puissant d’Autriche, parce qu’il
était chef d’un parti recruté dans la bourgeoisie modeste donc mécontente et qu’il
eut recours à l’antisémitisme, comme Hitler le fit d’ailleurs plus tard. Mais
Lueger, homme d’extraction modeste qui avait laborieusement frayé sa voie dans
l’Université, était d’un niveau intellectuel élevé ; ses adversaires, Juifs
compris, lui reconnaissaient une honnêteté, une générosité, une tolérance, un
esprit chevaleresque profonds. Stefan Zweig, l’éminent écrivain israélite d’Autriche,
qui commençait alors sa brillante carrière à Vienne, a témoigné que Lueger ne
laissa jamais son antisémitisme l’empêcher de se montrer secourable et amical à
l’égard des Juifs, et il dit que « ses actes municipaux furent absolument
justes et même typiquement démocratiques… Les Juifs, que ce triomphe du parti
antisémite avait fait trembler, continuèrent à vivre dans la même estime et
avec les mêmes droits que ceux dont ils avaient toujours joui (53). »
    C’était justement ce que n’aimait pas Hitler. Lueger lui
semblait beaucoup trop tolérant et ignorant du problème racial posé par la
question juive. Il reprochait également au bourgmestre de ne pas adhérer au
pangermanisme et il ne concevait ni son cléricalisme catholique romain, ni son
attachement aux Habsbourg. Le vieil empereur François-Joseph n’avait-il pas, par
deux fois, refusé d’entériner l’élection de Lueger aux fonctions de maire ?
    Mais Hitler dut finalement reconnaître le génie de cet homme qui
savait gagner l’appui des masses, comprendre les problèmes sociaux modernes, ainsi
que l’importance de la propagande et des effets oratoires quand il fallait
manœuvrer une foule. Il ne put également qu’admirer la façon dont Lueger
agissait avec la puissante Église. « Sa politique était empreinte d’une
habileté extraordinaire. » Enfin, Lueger était « prompt à user de
tous les moyens possibles pour s’assurer l’appui des institutions bien assises,
afin de tirer de ces sources du pouvoir le maximum d’avantages pour son
mouvement (54). »
    Telles furent, brièvement exprimées, les idées et les techniques
qu’Adolf Hitler employa plus tard à créer son parti et à le conduire à la
conquête du pouvoir en Allemagne. Son apport personnel est d’avoir été le seul
politicien de droite qui les ait appliquées dans ce pays après la première
guerre mondiale. Ce fut alors que le mouvement nazi, à l’exclusion des
nationalistes et des conservateurs, obtint un grand appui populaire et, cela
une fois acquis, gagna le concours de l’armée, du président de la République et
des gros syndicats d’affaires – c’est-à-dire de trois « institutions bien
assises » très puissantes, ce qui mena son chef aux fonctions de
chancelier du Reich. La leçon apprise à Vienne porta donc ses fruits.
    Karl Lueger était un orateur brillant ; mais le
parti pangermaniste manquait de gens capables de parler en public d’une

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