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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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horreur s’approcher la catastrophe (5)… »
Hitler assure qu’il ne put supporter ce spectacle et qu’il fut heureux de
retourner sur le front.
    Il lui fut plus intolérable encore de contempler le désastre qui
accabla en novembre 1918 sa patrie bien-aimée. Pour lui, comme pour presque
tous les Allemands, c’était « monstrueux » et immérité. L’armée n’avait
pas été vaincue par les armés, mais poignardée dans le dos par les traîtres de
l’intérieur.
    Ainsi se créa pour Hitler, et pour beaucoup d’Allemands, la
conviction fanatique du « coup de poignard dans le dos » ; cette
légende, plus que n’importe quel autre facteur, allait saper les bases de la République
de Weimar et préparer la voie au triomphe du futur Führer.
Or, la légende était mensongère. Le général Ludendorff, chef réel du haut
commandement allemand, se déclara le 28 septembre 1918 en faveur d’un
armistice « tout de suite », c’est-à-dire immédiat, et son supérieur
nominal, le feld-maréchal von Hindenburg, l’appuya. Au cours d’une séance du
conseil de la couronne, tenue à Berlin le 2 octobre sous la présidence de Guillaume II,
Hindenburg réitéra de façon pressante la demande de trêve immédiate que
présentait le haut commandement, déclarant que « l’armée était hors d’état
d’attendre quarante-huit heures ». Dans un e lettre
écrite le même jour, Hindenburg dit nettement que la situation militaire impose
l’arrêt des combats. Il ne fut pas du tout alors question de « coup de
poignard dans le dos ». C’est à une date ultérieure seulement que le grand
héros – pour les Allemands – de la guerre adopta le mythe. Devant la commission
d’enquête de l’assemblée nationale, le 18 novembre 1919, c’est-à-dire un an
après l’armistice, Hindenburg prononça ces mots : « Comme un général
anglais l’a justement déclaré, l’armée allemande fut « poignardée dans le
dos [13]  ».
    En fait, le gouvernement civil dirigé par le prince Max de
Bade ne fut informé par le haut commandement du pourrissement de la situation
militaire qu’à la fin septembre, et il résista, plusieurs semaines durant, aux
instances de Ludendorff en faveur d’un armistice. Il faut avoir vécu en
Allemagne entre les deux guerres pour se rendre compte à quel point l’incroyable
légende fut gobée par la population. Pourtant, les faits qui la démentaient se
trouvaient partout en évidence. Mais les gens de droite refusaient de les voir ;
ils ne cessaient de proclamer que les coupables étaient les « criminels de
novembre », expression enfoncée dans les cervelles par Hitler. Peu
importait que l’armée, sournoisement et lâchement, eût amené le gouvernement
républicain à la signature de l’armistice demandé avec insistance par les chefs
militaires et lui eût conseillé ensuite d’accepter le traité de paix de
Versailles. Peu importait également que le Parti social-démocrate n’eût accepté
le pouvoir en 1918 qu’à contrecœur et seulement pour préserver le pays d’une
anarchie complète menaçant de conduire au bolchévisme. Or, ce parti ne fut pas
responsable de l’écroulement, dont la faute tout entière repose sur l’ancien régime,
détenteur de l’autorité [14] .
    Mais, cela, des millions d’Allemands refusèrent de le concéder. Il
leur fallait des boucs émissaires qu’ils pussent charger du fardeau infâme de
la défaite, de l’humiliation et de la misère subie. Aussi se persuadèrent-ils
sans peine de les avoir décelés en ces « criminels de novembre », signataires
de la capitulation et fondateurs du gouvernement démocratique qui avait
remplacé l’ancienne autocratie. Hitler, dans Mein Kampf,
revient souvent sur la jobardise des Allemands, défaut dont il allait bientôt
tirer profit.
    Après la visite du pasteur à l’hôpital de Pasewalk, en ce 10 novembre
1918, « je connus, écrit-il, des journées terribles et des nuits pires
encore. Je savais que tout était perdu. Seuls des imbéciles, des menteurs ou
des criminels pouvaient espérer quelque merci de l’ennemi. Ce fut au cours de
ces nuits-là que s’éveillait et croissait en moi la haine, la haine de tous
ceux qui étaient responsables de notre malheur… Criminels misérables et
dégénérés ! Plus j’essayais alors de me représenter l’événement monstrueux,
plus je sentais mon front brûler de honte et de déshonneur. Qu’était donc la
douleur qui me

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