Le Troisième Reich, T1
une explication
innocente au sujet de cette mesure, sinon nous aurions l'air d'avoir fabriqué
l'incident de toutes pièces... Si, pour des raisons techniques, les heures
du soir sont jugées préférables pour cet incident, le lendemain ne pourra
être le jour J, il faudra que ce soit le surlendemain... Ces notes ont pour but
de montrer que la Wehrmacht attache à cet incident une extrême importance et
qu'elle devra être informée en temps voulu des intentions du Führer, d'autant
plus que la Section de l'Abwehr n'est pas chargée d'organiser l'incident (28).
Les astucieux préparatifs de l'attaque contre la Tchécoslovaquie
étaient manifestement en bonne voie à la fin de l'été. Mais comment l'Allemagne
se défendrait-elle à l'ouest si les Français faisaient honneur à leur parole et
attaquaient? Le 26 août, Hitler partit faire une tournée d'inspection dans les
fortifications de l'ouest, accompagné de Jodl, du docteur Todt, l'ingénieur
chargé de construire le mur de l'ouest, d'Himmler et de divers hauts
personnages du parti. Le 27 août, le général Wilhelm Adam, un Bavarois brusque
et compétent, qui commandait à l'ouest, se joignit à eux et, pendant les deux
jours qui suivirent, il put constater à quel point le Führer avait été grisé
par la réception triomphale que lui firent les populations de la Rhénanie.
Pour sa part, Adam ne fut pas impressionné, mais plutôt alarmé,
et le 29, au cours d'une scène étonnante qui se passa dans la voiture
particulière d'Hitler, il demanda brusquement à s'entretenir avec lui seul à
seul. Non sans avoir ajouté quelques commentaires ironiques, d'après le récit
que fit plus tard le général, Hitler congédia Himmler et ses autres acolytes.
Adam alla droit au but. Il déclara au Führer que, malgré tout le battage qui
était fait au sujet du mur de l'ouest, il ne pouvait absolument pas le tenir
avec les seules troupes dont il disposait. Hitler entra en fureur et se lança
dans une longue harangue d'où il ressortait que, grâce à lui, l'Allemagne était
désormais plus forte que la Grande-Bretagne et la France réunies.
« Pour ne pas tenir ces fortifications, s'écria Hitler, il
faudrait être un misérable [111] ! »
Néanmoins Adam n'était pas le seul à avoir des doutes
là-dessus. Le 3 septembre, Hitler convoqua au Berghof les chefs de l'O.K.W. et
de l'O.K.H. Keitel et Brauchitsch. Il fut convenu que les unités combattantes
seraient mises en position le long de la frontière tchèque le 28 septembre.
Mais l'O.K.W. tenait à savoir, dès le 27 septembre à midi, quel serait le jour
J. Hitler n'était pas satisfait du plan d'opérations prévu pour le cas vert et
il exigea des modifications sur plusieurs points. D'après les notes relatives à
cette réunion, conservées par le major Schmundt, il est clair que Brauchitsch
du moins — car Keitel était trop flagorneur pour élever la voix — souleva à
nouveau la question et demanda comment l'armée pourrait tenir à l'ouest. Hitler
se tira d'affaire par un mensonge : il assura qu'il avait donné des ordres pour
accélérer la construction des fortifications de l'ouest (30).
Le 8 septembre, le général Heinrich Stuelpnagel rencontra Jodl,
et ce dernier nota dans son journal que le général jugeait avec pessimisme la
situation militaire à l'ouest. Ils avaient l'un et l'autre la certitude
qu'Hitler, grisé par l'enthousiasme fanatique des foules rassemblées au congrès
du parti qui venait de s'ouvrir à Nuremberg, était résolu à envahir la
Tchécoslovaquie, que la France intervint ou non. « Je dois admettre, écrivait
Jodl, pourtant optimiste d'ordinaire, que je suis également très inquiet. »
Le lendemain 9 septembre, Hitler convoqua Keitel, Brauchitsch et
Halder à Nuremberg, pour tenir avec eux une conférence qui, commencée à dix
heures du soir, dura jusqu'à quatre heures du matin et fut extrêmement
orageuse, ainsi que Keitel le confia ensuite à Jodl, qui, à son tour, le confia
à son journal. Halder se trouva ainsi dans une situation délicate : membre
essentiel du complot fomenté pour renverser Hitler à l'instant où il donnerait
l'ordre d'attaquer, il dut exposer en grand détail le plan prévu par
l'état-major pour la campagne de Tchécoslovaquie. Il fut peut-être plus gêné
encore de voir Hitler déchirer le projet en menus morceaux et accabler de
reproches non seulement lui-même mais Brauchitsch, stigmatisant leur timidité
et leur incapacité militaire
Weitere Kostenlose Bücher