Le Troisième Reich, T1
par la carte que lui apportait l'ambassadeur,
où les districts susceptibles d'être cédés au Reich étaient si généreusement
indiqués.
A onze heures quarante, l'entretien fut soudain interrompu par
un messager annonçant qu'Attolico venait d'arriver, porteur d'une communication
urgente de Mussolini. Hitler quitta la pièce en compagnie de Schmidt pour
accueillir l'ambassadeur italien qu'il trouva hors d'haleine.
« J'ai un message urgent à vous remettre de la part du
Duce! »
Lui cria de loin Attolico, qui avait une voix naturellement
rauque (73). Après avoir rempli sa mission, il ajouta que Mussolini priait le Führer de ne pas mobiliser.
C'est à ce moment, dit Schmidt, seul témoin survivant de la
scène, qu’Hitler décida de choisir la paix. Il était maintenant midi juste.
Deux heures plus tard, le délai accordé aux Tchèques par l'ultimatum hitlérien
serait écoulé.
« Dites au Duce, répondit Hitler à Attolico avec un
visible soulagement, que j'accepte ses propositions (74). »
Après ces moments dramatiques, le reste de la journée fut
beaucoup plus calme. A la suite d'Attolico et de François-Poncet, l'ambassadeur
Henderson fut à son tour introduit en présence du Führer.
« A la requête de mon grand ami et allié Mussolini, dit
Hitler à Henderson, j'ai retardé de vingt-quatre heures la mobilisation de mes
troupes [133] .
»
Il ajouta qu'il ferait connaître sa décision sur d'autres
questions, telles qu'une éventuelle conférence des Puissances, après avoir à
nouveau consulté Mussolini (75).
De multiples communications téléphoniques furent alors échangées
entre Berlin et Rome. Schmidt dit que les deux dictateurs
eurent ensemble un entretien. Quelques minutes avant deux heures de
l'après-midi, au moment même où son ultimatum allait expirer, Hitler se décida
brusquement, et des invitations furent adressées à la hâte aux chefs de
gouvernement de Grande-Bretagne, de France et d'Italie, les priant de
rencontrer le Führer à Munich le lendemain à midi, pour
régler avec lui la question tchèque. Aucune invitation ne fut envoyée à Prague
ni à Moscou. La Russie, co-garante de l'intégrité de la Tchécoslovaquie en cas
d'attaque allemande, ne devait pas être mise en mesure d'intervenir. On ne
demanda même pas aux Tchèques d'assister à leur propre condamnation à mort.
Dans ses Mémoires, Sir Neville Henderson attribue à Mussolini
presque tout le mérite d'avoir sauvé la paix à ce moment, opinion d'ailleurs
soutenue par la plupart des historiens qui ont écrit ce chapitre de l'histoire
européenne [134] .
Mais c'est là certainement faire trop d'honneur au Duce.
L'Italie était la plus faible des grandes puissances européennes et sa force
militaire était si négligeable que les généraux allemands, comme on le voit
bien d'après leurs papiers, en faisaient entre eux un sujet de plaisanteries.
La Grande-Bretagne et la France étaient les seules puissances qui comptaient
dans les calculs des Allemands. Et c'était le Premier Ministre britannique qui,
dès le début, avait cherché à convaincre Hitler qu'il pouvait obtenir le pays
des Sudètes sans faire la guerre. Ce ne fut pas Mussolini, mais Chamberlain,
qui rendit possible l'accord de Munich et sauva ainsi la paix pour une durée de
onze mois exactement. Nous serons amenés par la suite à considérer de quel prix
la Grande-Bretagne, ses alliés et ses amis payèrent ce haut fait, mais nous
pouvons dire dès maintenant qu'il eut, à tous points de vue, une portée
incalculable.
A quatorze heures cinquante-cinq, dans l'après-midi de ce «
sombre mercredi » qui paraissait maintenant moins sombre qu'il ne l'avait été
au cours des heures lugubres de la matinée, le Premier Ministre britannique prenait
la parole à la Chambre des Communes pour faire devant les députés le compte
rendu détaillé de la crise tchèque et du rôle joué par lui et par son
gouvernement pour tenter de la résoudre. La situation qu'il décrivait demeurait
encore incertaine, mais elle s'était améliorée. Mussolini, dit-il, avait réussi
à obtenir d'Hitler qu'il retardât de vingt-quatre heures la mobilisation. Il
était maintenant seize heures quinze et Chamberlain, qui parlait depuis une
heure vingt, approchait de sa péroraison. A ce moment, il fut interrompu. Sir
John Simon, chancelier de l'Échiquier, lui remit un papier que Lord Halifax,
qui siégeait à la tribune des pairs, venait de faire passer au banc
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