Le Troisième Reich, T1
manquer d'avoir pour
nos projets des effets désastreux. Il eût été absurde de monter un putsch pour
renverser Hitler au moment où le Premier Ministre britannique venait en
Allemagne pour discuter avec lui « la paix du monde. »
Cependant, d'après le récit d'Erich Kordt, le soir du 15
septembre, le docteur Paul Schmidt, qui était dans le
complot et qui, nous l'avons vu, avait été le seul interprète — et l'unique
témoin — de la conversation Hitler-Chamberlain, l’informa « par code convenu à
l'avance » que le Führer était toujours résolu à s'emparer
de la Tchécoslovaquie tout entière et qu'il avait soumis à Chamberlain des
exigences impossibles « dans l'espoir qu'elles seraient refusées. » Cette
nouvelle ranima le courage des conspirateurs. Kordt mit le colonel Oster au courant
le soir même et il fut décidé que le projet serait repris dès qu'Hitler aurait
regagné Berlin. « Mais avant tout, dit Oster, il faut que l'oiseau soit rentré
dans sa cage de Berlin. »
L'oiseau regagna sa « cage » à l'issue des conversations de Godesberg dans l'après-midi du 24 septembre. Le 28, au matin du
« sombre mercredi », Hitler était à Berlin depuis près de quatre jours. Le 26,
dans un discours incendiaire du Sportpalast, il parut
avoir coupé les ponts. La veille il avait renvoyé Sir Horace Wilson à Londres les mains vides, et le gouvernement britannique avait réagi en
mobilisant la flotte et en avertissant Prague qu'elle pouvait s'attendre à une
attaque allemande immédiate. Pendant la journée il avait également, nous
l'avons vu, donné ordre aux unités d'assaut de prendre leurs positions de
combat sur la frontière tchèque et d'être prêtes à l'action le 30 septembre,
c'est-à-dire trois jours plus tard.
Qu'attendaient donc les conspirateurs? Toutes les conditions
qu'ils avaient eux-mêmes définies se trouvaient remplies : Hitler était à
Berlin, il avait fixé la date de l'attaque contre la Tchécoslovaquie au 30
septembre, dans deux jours maintenant. Ou bien le putsch devait avoir lieu tout
de suite, ou bien il serait trop tard pour renverser le dictateur et arrêter la
guerre.
Kordt déclare qu'au cours de la journée du 27 septembre les
conspirateurs décidèrent de passer à l'action le 29. Gisevius, dans sa
déposition au Procès de Nuremberg, ainsi que dans son livre, affirme que les
généraux — Halder et Witzleben —
résolurent de passer immédiatement à l'action le 28 septembre, après avoir lu
une copie de la lettre de « défi » adressée par Hitler à Chamberlain la veille
au soir et dans laquelle il formula « des exigences injurieuses ».
Oster reçut une copie de cette lettre « de défi », dit
Gisevius, tard dans la soirée (du 27 septembre) et, au matin du 28, j'apportai
cette copie à Witzleben. Celui-ci, à son tour, la communiqua à Halder. Cette
fois enfin, le chef de l'état-major général eut la preuve qu'il désirait la
preuve irréfutable qu'Hitler ne bluffait pas et qu'il voulait vraiment la
guerre.
Des larmes d'indignation coulaient sur les joues
d'Halder... Witzleben affirma avec force qu'il était temps de passer à
l'action. Il engage Haider à aller voir Brauchitsch. Au bout d'un moment,
Halder revint disant qu'il rapportait de bonnes nouvelles. Brauchitsch, lui
aussi était indigné et prendrait sans doute part au putsch (70).
Mais ou bien le texte de la lettre avait été altéré par le
copiste ou bien les généraux en avaient mal compris le sens, car, nous l'avons
vu, elle était d'un ton fort modéré. Hitler s'engageait à « négocier les
détails avec les Tchèques » et à « donner une garantie formelle relativement au
reste du territoire tchécoslovaque »; il s'y montrait conciliant puisqu'il
engageait Chamberlain à poursuivre ses efforts. A tel point que le Premier
ministre, après l'avoir lue, avait aussitôt télégraphié, d'abord à Hitler pour
lui proposer la réunion d'une conférence des grandes puissances: qui réglerait
les détails, et ensuite à Mussolini pour lui demander de soutenir cette
proposition.
Selon toute apparence, les généraux ignoraient cette ultime
tentative d'apaisement; seul le général von Brauchitsch, le commandant en chef
de l'armée, en avait peut-être eu vent Selon Gisevius, Witzleben téléphona
à Brauchitsch, du bureau d'Halder, pour lui dire que tout était prêt et le
supplier de prendre lui-même la direction du soulèvement. Mais le commandant de
l'armée demeura sur la
Weitere Kostenlose Bücher