Le Troisième Reich, T1
des
ministres.
Quelle que puisse être l'opinion des honorables membres sur
M. Mussolini, disait à ce moment Chamberlain, je crois que tout le monde
accueillera avec joie le geste qu'il vient de faire en faveur de la paix.
Le Premier Ministre s'arrêta, jeta un coup d'œil sur le papier
et sourit.
Ce n'est pas tout. J'ai encore autre chose à dire à la
Chambre. M. Hitler m'informe maintenant qu'il m'invite à le rencontrer à Munich
demain matin. Il a également invité M. Mussolini et M. Daladier. M. Mussolini a
accepté et je ne doute pas que M. Daladier accepte également. Quant à moi, je
n'ai pas besoin de dire quelle sera ma réponse...
Il n'avait en effet pas besoin de le dire. L'antique Chambre des
Communes, la Mère des Parlements, réagit par une manifestation de délire
collectif, sans précédent dans sa longue histoire. Les députés poussaient des
clameurs, lançaient en l'air des copies d'ordre du jour; beaucoup étaient en
larmes et, dominant le tumulte, une voix qui semblait exprimer les sentiments
de toute l'assemblée fit entendre ces paroles : « Dieu bénisse le Premier
Ministre! »
Jan Masaryk, le ministre tchèque, fils du fondateur de la
république tchécoslovaque, assistait à la scène du haut de la galerie des
diplomates et n'en croyait pas ses yeux. Par la suite, il alla voir à Downing
Street le Premier Ministre et le ministre des Affaires étrangères pour savoir
si son pays, qui aurait à faire tous les sacrifices, serait invité à Munich.
Chamberlain et Halifax répondirent que non, Hitler ne le tolérerait pas.
Masaryk regarda ces deux Anglais, chrétiens fervents, et fit un grand effort
pour se dominer.
« Si vous avez sacrifié mon pays pour sauver la paix du monde,
dit-il finalement, je serai le premier à vous approuver. Sinon, messieurs, Dieu
ait pitié de vos âmes (76)! »
Et qu'était-il advenu des conspirateurs, militaires et civils,
le général Halder, et le général von Witzleben, Schacht, Gisevius, Kordt et
tous les autres qui, en ce jour fatal, peu avant midi, avaient cru, comme le
disait Witzleben, que leur heure était venue? A cette question on peut répondre
brièvement par leurs propres paroles, prononcées beaucoup plus tard, quand tout
fut fini et qu'ils s'employèrent à prouver au monde à quel point ils avaient
été hostiles à Hitler et aux folies catastrophiques qui avaient conduit
l'Allemagne à la ruine totale, après une guerre longue et meurtrière.
Le grand coupable, furent-ils unanimes à déclarer, c'était
Neville Chamberlain! En consentant à venir à Munich, il les avait contraints, à
la toute dernière minute, à renoncer aux projets qu'ils avaient conçus pour
renverser Hitler et le régime nazi.
Le 25 février 1946, alors que le long Procès de Nuremberg tirait
à sa fin, le général Halder fut interrogé en particulier par le capitaine Sam
Harris, jeune avoué new-yorkais, membre du ministère public américain.
Nous avions résolu, dit Halder, d'occuper par la force
militaire la Chancellerie du Reich et les administrations, en particulier les
ministères administrés par des membres du parti et des séides d'Hitler, cela
dans l'intention expresse d'éviter toute effusion de sang et de pouvoir ensuite
faire passer la bande en jugement devant toute la nation allemande. Ce jour-là
(le 28 septembre), Witzleben vint me voir à mon bureau à l'heure de midi. Nous
discutâmes la question. Il insista pour que je lui donne l'ordre d'exécution.
Nous avons discuté d'autres détails : combien de temps il lui fallait, etc. Au
cours de cette conversation, nous apprîmes que les premiers ministres
britannique et français avaient consenti à venir trouver Hitler pour avoir avec
lui de nouveaux entretiens. Witzleben était présent. Je rapportai donc l'ordre
d'exécution, puisque à la suite de ce fait nouveau notre action n'avait plus sa
raison d'être...
Nous avions la ferme conviction de réussir. Mais voilà que
M. Chamberlain arrivait et, d'un seul coup, le danger de guerre était écarté.
L'heure critique de l'emploi de la force n'avait pas sonné. Il ne restait plus
qu'à attendre, au cas où une nouvelle occasion se présenterait...
« Dois-je comprendre que, selon vous, si Chamberlain n'était
pas venu à Munich, votre plan aurait été mis à exécution et qu'Hitler aurait
été déposé? » demanda le capitaine Harris.
« Tout ce que je puis affirmer, c'est que les plans auraient été
exécutés, répondit le général
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