Le Troisième Reich, T1
Haider, j'ignore s'ils
auraient réussi (77). »
Le docteur Schacht, qui, à Nuremberg et
dans ses livres d'après-guerre, a nettement exagéré l'importance du rôle qu'il
joua dans les diverses conspirations contre Hitler, a lui aussi affirmé que, si
les Allemands avaient renoncé, le 28 septembre, à mettre leur projet à
exécution, c'était la faute de Chamberlain.
Si l'on s'en rapporte à la suite des événements, il est
évident que cette première tentative de coup d'État, préparée par Witzleben et
moi-même, fut la seule qui aurait pu vraiment changer le destin de l'Allemagne.
Ce fut la seule tentative faite et préparée à temps... A l'automne de 1938, il
était encore possible de réussir à amener Hitler devant la Cour suprême, mais,
par la suite, pour se débarrasser de lui, il eût fallu attenter à sa vie...
J'avais fait à temps les préparatifs du coup d'État, grâce à quoi nous étions à
deux doigts du succès. L'histoire a décidé contre moi. L'intervention des
hommes d'État étrangers était un élément qu'il m'eût été tout à fait impossible
de prévoir (78).
Et Givesius, qui fut le plus fidèle soutien de Schacht à la barre des témoins de Nuremberg, ajouta :
L'impossible s'était produit. Chamberlain et Daladier
volaient vers Munich. Notre complot était dans l'eau. Pendant quelques heures,
je continuai à imaginer que nous pouvions quand même passer à l'action. Mais
Witzleben eut tôt fait de me prouver que les troupes ne se révolteraient jamais
contre le Führer victorieux... Chamberlain a sauvé Hitler (79).
L'a-t-il vraiment sauvé? Ou bien était-ce là une excuse de la
part des civils et des généraux allemands, pour justifier leur inertie? A
Nuremberg, au cours de son interrogatoire, Haider expliqua
au capitaine Harris que le succès d'une « action
révolutionnaire » dépend de trois conditions :
Il faut d'abord qu'elle soit conduite par des esprits
clairs et résolus. En second lieu, les masses doivent être prêtes à accepter
l'idée de la révolution. La troisième condition consiste à choisir le bon
moment. A notre avis, la première condition — la présence de chefs à l'esprit
clair et résolu — était remplie. La seconde l'était aussi, estimions-nous,
puisque... le peuple allemand ne voulait pas la guerre. La nation était donc
prête à s'associer à une action révolutionnaire, par crainte de la guerre. La
troisième condition, le choix du moment opportun, était acquise, puisque nous
devions attendre, dans les quarante-huit heures, l'ordre d'entreprendre une
action militaire. Nous avions donc la ferme conviction de réussir.
Mais M. Chamberlain intervint et, d'un seul coup, le danger
de guerre était évité.
On peut se demander si la première condition formulée par le
général Halder était remplie car, si le complot était vraiment mené par « des
chefs à l'esprit clair et résolu », pourquoi les généraux ont-ils hésité
pendant quatre jours ? Ils avaient à leur disposition une force militaire
suffisante pour balayer aisément Hitler et son régime. Witzleben avait sous ses
ordres tout un corps d'armée, le troisième, cantonné à Berlin et aux environs;
Brockdorff-Ahlefeld commandait une division d'infanterie d'élite, stationnée
tout près de là, à Potsdam; Hoepner commandait une panzer division au sud de la
ville, et les deux hauts officiers de police de la capitale, le comte von
Helldorf et le comte von Schulenburg, disposaient d'une grande force de police
bien armée, capable de fournir un appui efficace. De l'avis même des
conspirateurs, tous ces officiers n'attendaient qu'un mot de Halder pour passer
à l'action, soutenus par une force armée irrésistible. Et la population de
Berlin, épouvantée à l'idée qu'Hitler allait déclencher la guerre, aurait
spontanément appuyé le coup de force, pour autant que j'en puisse juger, moi
qui la connaissais bien.
Halder et Witzleben auraient-ils finalement agi si
Chamberlain n'avait pas consenti à venir à Munich? A cette question on ne
pourra jamais répondre avec certitude. Étant donné l'attitude particulière des
généraux, résolus à renverser Hitler, non pas pour mettre fin au régime de
tyrannie et de terreur qu'il avait instauré, mais simplement pour éviter une
guerre perdue d'avance, peut-être seraient-ils vraiment passés à l'action si la
conférence de Munich n'avait pas eu lieu. Jusqu'à présent, nous ne possédons
pas les renseignements nécessaires
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