Le Troisième Reich, T1
acquirent la
certitude que Chamberlain était venu à Munich absolument décidé à ce que
personne — certainement pas les Tchèques et pas même les Français — ne
l'empêchât de parvenir rapidement à un accord avec Hitler [136] .
En ce qui concernait Daladier, qu'on vit circuler toute la journée comme frappé
de stupeur, aucune précaution n'était nécessaire, mais le Premier Ministre,
bien résolu à aboutir, ne voulait courir aucun risque.
Les conversations qui débutèrent à douze heures quarante-cinq
dans le bâtiment appelé Führerhaus, sur la
Kœnigsplatz, ne revêtirent pas un caractère dramatique et ne furent pour ainsi
dire qu'une simple formalité, permettant de livrer à Hitler exactement tout ce
qu'il voudrait, quand il voudrait. Le docteur Schmidt, l'infatigable
interprète, à qui l'on demandait d'opérer en trois langues : allemand, français
et anglais, remarqua que, dès le début, il régna « une atmosphère de bonne
volonté générale ». L'ambassadeur Henderson se souvint plus tard « qu'à aucun
moment la conversation ne prit un tour violent ». Personne ne présidait. Les
débats se déroulèrent sans cérémonie et, à en juger par les minutes allemandes
de la rencontre (82), les premiers Ministres britannique et français
s'évertuèrent réellement à entrer dans les vues d'Hitler. Même quand il ouvrit
la séance par la déclaration suivante :
Il avait, dit-il, déclaré dans son discours au Sportpalast
que, de toute manière, il entrerait en Tchécoslovaquie le 1er octobre. On lui
avait répondu que cette mesure revêtirait le caractère d'un acte de violence.
Aussi s'agissait-il de dépouiller cette mesure d'un tel caractère. Néanmoins,
une action immédiate s'imposait.
Les membres de la conférence se mirent vraiment au travail quand
Mussolini, prenant la parole le troisième (Daladier parla en dernier), déclara
« qu'afin de parvenir à une solution pratique du problème » il avait apporté
une proposition écrite précise. L'origine de ce document est curieuse et
demeura, je crois, inconnue de Chamberlain jusqu'à sa mort. Il ressort des
mémoires de François-Poncet et de Henderson que les deux ambassadeurs
l'ignoraient également. En fait l'histoire fut rendue publique longtemps après
la mort violente de Mussolini et d'Hitler.
Ce que le Duce faisait alors passer pour un projet de compromis
émanant de lui avait, en fait, été rédigé la veille à la hâte aux Affaires
étrangères de Berlin par Gœring, Neurath et Weizsaecker, à l'insu de
Ribbentrop, car les trois autres ne se fiaient pas à son jugement. Gœring le
porta à Hitler, qui l'approuva, puis il le fit rapidement traduire en français
par le docteur Schmidt et le passa à l'ambassadeur italien, Attolico, qui
téléphona le texte au dictateur italien, au moment où celui-ci se préparait à
prendre le train pour Munich. C'est ainsi que les « propositions italiennes »
qui fournirent à cette conférence quasi improvisée non seulement son ordre du
jour, mais les conditions essentielles de ce qui devint par la suite l'accord
de Munich, étaient en réalité des propositions allemandes élaborées à Berlin [137] .
Cela devait pourtant sauter aux yeux, puisque le texte
reproduisait presque exactement les exigences d'Hitler rejetées à Godesberg;
mais cette évidence n'apparut pas à Daladier et à Chamberlain, ni aux
ambassadeurs qui cette fois les assistaient. Selon les minutes allemandes, le
président du Conseil français « accueillit avec faveur la proposition du Duce,
rédigée dans un esprit objectif et réaliste ». Le Premier Ministre britannique
« l'approuva aussi et déclara qu'il avait pour sa part envisagé une solution
tout à fait semblable ».
Quant à l'ambassadeur Henderson, comme il l'a écrit plus tard,
il pensait que Mussolini « avait présenté comme sienne, avec beaucoup de
doigté, une combinaison des propositions d'Hitler et de celles des
Anglo-Français », tandis que François-Poncet eut l'impression que les membres
de la conférence travaillaient d'après un mémorandum britannique « rédigé par Sir
Horace Wilson (83) ». Tant il était facile d'induire en erreur les hommes
d'État et diplomates français et britanniques, décidés à obtenir l'apaisement à
tout prix !
Puisque les propositions « italiennes » étaient si
chaleureusement accueillies par tous les assistants, il ne restait plus que
quelques détails à mettre au point. Comme on aurait peut-être
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