Le Troisième Reich, T1
tard, la salle se vida, je sus que désormais les
principes de notre mouvement ne pourraient plus être oubliés et qu’ils se
répandraient parmi le peuple allemand (18).
Dans son discours, Hitler énonça pour la première fois les
vingt-cinq points du Parti ouvrier allemand, hâtivement rédigé par Drexler, Feder
et lui-même. La plupart des sarcasmes et d’interruptions qu’on lui avait lancés
visaient en réalité des passages du programme qu’il lisait. Il n’en considéra
pas moins qu’ils étaient tous adoptés, si bien qu’ils constituaient le
programme officiel du Parti nazi lorsque, le 1er avril 1920, il devint le
Parti national socialiste des ouvriers allemands. En 1926, pour de raisons de
tactique, Hitler les déclara « inaltérables ».
Ils forment certainement un méli-mélo, un fouillis à l’usage des
ouvriers, de la petite classe moyenne et des paysans ; de la plupart il ne
fut d’ailleurs plus question lorsque le parti arriva au pouvoir. Bon nombre d’écrivains
allemands les ont ridiculisés, et le Führer lui-même éprouvait de l’embarras
quand on les lui rappelait. Cependant, de même que les principes essentiels
énoncés dans Mein Kampf , les plus importants d’entre eux furent
respectés par le Troisième Reich, ce qui entraîna des conséquences désastreuses
pour des millions d’hommes à l’intérieur et à l’extérieur de l’Allemagne.
Le premier point revendiquait l’union de tous les Allemand dans
une Grande Allemagne. N’était-ce pas exactement ce que le chancelier Hitler
exigea et obtint quand il annexa l’Autriche, avec ses six millions d’Allemands,
et quand il occupa le pays des Sudète et ses trois millions d’Allemands ? Et
n’est-ce pas parce qu’il réclama le retour de Dantzig et des autres régions de
Pologne ou prédominait la race germanique que l’Allemagne, en attaquant cette
nation, déchaîna la deuxième guerre mondiale ?
Ne peut-on ajouter qu’une des causes des malheurs universels fut
l’attitude de tant de gens qui voulaient ignorer ou prendre à la légère les
aspirations nazies, tout ce programme pourtant précisé noir sur blanc ? A
coup sûr, les points de caractère antisémite, préconisé au meeting de la
brasserie de Munich le soir du 24 février 1920 constituaient un
avertissement des plus alarmants ; ils précisaient que les Juifs d’Allemagne
seraient exclus des emplois publics et de la presse, et même privés de leur
citoyenneté ; en outre, tous ceux qui étaient entrés dans le pays après le
2 août 1914 devaient en être expulsés.
Un bon nombre de ces paragraphes faisaient visiblement appel aux
sentiments nourris par les classes laborieuses à une époque où, se trouvant
dans la pauvreté, elles prêtaient volontiers l’oreille aux slogans socialistes
et même communistes. Le point 11, par exemple, réclamait l’abolition des
revenus qui n’étaient pas le fruit du travail ; le point 12, la
nationalisation des cartels ; le point 13, le partage avec l’État des
bénéfices réalisés par la grosse industrie ; le point 14, la suppression
des loyers ruraux et de la spéculation en matière de terrains. Le point 18
exigeait la peine capitale pour les traîtres, les usuriers et les profiteurs. Le
point 16, qui préconisait le maintien d’une « classe moyenne saine »,
prônait l’expropriation des grands magasins et leur location, à bas prix, à de
petits commerçants. Ces revendications avaient été insérées dans le programme
sur la demande de Drexler et de Feder, qui sans doute croyaient au « socialisme »
des nationaux-socialistes. Par la suite, ces idées se révélèrent plutôt
gênantes, lorsque les gros industriels et propriétaires fonciers commencèrent à
faire affluer l’argent dans les caisses du parti ; bien entendu, il ne fut
jamais question d’ennuyer ces généreux bailleurs de fonds.
Il y eut en fin de compte deux points de ce programme qu’Hitler
appliqua dès qu’il fut chancelier. Le point 2 exigeait l’abrogation des traités
de Versailles et de Saint-Germain. Le point 25, le dernier, préconisait « la
création d’un fort pouvoir central de l’État ». Ainsi que les points 1 et
2, qui réclamaient la réunion de tous les Allemands dans un seul Reich et l’abolition
des traités de paix, le point 25 fut inséré dans le programme à la demande
expresse d’Hitler. On voit par là combien, même à ce moment où son parti était
à peu près
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