Le Troisième Reich, T1
à Berlin pour contacter
les éléments nationalistes d’Allemagne du Nord et pour prendre la parole au
Club national, leur quartier général et centre d’études. Désireux d’examiner la
possibilité d’étendre son mouvement, confiné jusqu’alors en Bavière, au reste
de l’Allemagne, il espérait conclure à cette fin des alliances avantageuses. Profitant
de son absence, les autres membres du comité du Parti nazi estimèrent le moment
venu pour eux de s’opposer à son autorité, trop absolue à leur gré. Ils
envisagèrent de s’entendre avec des groupes analogues d’Allemagne du Sud, notamment
le « Parti socialiste allemand », qu’était en train de former à
Nuremberg Julius Streicher, antisémite peu estimé, ennemi et rival d’Hitler. Les
membres du comité pensaient qu’une fusion éventuelle de ces groupes et de leurs
ambitieux dirigeants avec le Parti nazi diminuerait la position de leur
collègue absent.
Flairant la menace, Hitler revint en hâte à Munich pour
annihiler les intrigues de ces « idiots », ainsi qu’il les appelle
dans Mein Kampf . Il présenta sa démission, mais les membres du comité ne
tardèrent pas à comprendre qu’ils ne pouvaient se passer de lui, leur orateur
le plus vigoureux, leur meilleur organisateur et propagandiste. En outre, c’était
lui qui apportait la plus grande partie des ressources financières, sous la
forme de fonds recueillis aux meetings où il prenait la parole, et aussi d’autres
sources, de l’armée par exemple. Son départ eût signifié la ruine du mouvement
à peine sorti des limbes. Le comité refusant donc sa démission, Hitler se
sentit indispensable et exigea de ses collègues une capitulation complète :
sa reconnaissance comme chef unique, des pouvoirs dictatoriaux, la suppression
du comité, la fin des intrigues avec d’autres groupes tels que celui de
Streicher.
Ils trouvèrent ces prétentions excessives. Sous l’impulsion du
fondateur, Anton Drexler, ils dressèrent un réquisitoire et le publièrent en
brochure. Hitler ne fut jamais plus durement censuré par son propre parti, c’est-à-dire
par ceux qui connaissaient de première main son caractère et ses méthodes d’action.
Le goût de l’autorité et son ambition personnelle ont
déterminé M. Hitler à rejoindre son poste après un séjour à Berlin, qui a
duré six semaines et dont le sujet n’a pas encore été dévoilé. Il considère que
le moment se prête à semer la dissension et le schisme dans nos rangs, en
utilisant les individus douteux qui se cachent derrière lui, et, par là, à
favoriser les intérêts des Juifs et de leurs amis. Il apparaît de plus en plus
clairement que son plan consiste tout simplement à se servir du Parti national
socialiste comme d’un tremplin, pour mieux atteindre ses buts immoraux, et s’emparer
de la direction, afin d’être en mesure de contraindre le parti à s’engager dans
une voie différente quand l’instant psychologique sera venu. Ces faits sont
nettement prouvés par un ultimatum qu’il a récemment envoyé au comité ; entre
autres choses, il exige d’exercer sur le mouvement une dictature absolue et
sans partage ; il réclame aussi la suppression du comité, sans en excepter
le serrurier Anton Drexler, notre fondateur…
Et comment mène-t-il sa campagne ? Comme un Juif. Il
dénature tous les faits… Nationaux socialistes, décidez votre conduite envers
de tels personnages. Ne vous y trompez pas. Hitler est un démagogue… Il se
croit capable… de vous faire avaler n’importe quelles histoires, sans aucun
rapport avec la vérité (21).
Quoique leur substance fût affaiblie par un antisémitisme
stupide (Hitler se conduisant en Juif !), ces accusations étaient en fait
exactes ; mais leur publication ne valut pas à leurs auteurs les résultats
escomptés. Hitler s’empressa d’entamer un procès en diffamation contre les
auteurs du pamphlet, avec ce résultat que Drexler lui-même fut contraint de
renier ses allégations au cours d’une réunion publique. Puis, en deux séances
tenues par le parti, Hitler dicta ses conditions de paix. Les statuts furent
modifiés de façon à éliminer le comité et donner au président, c’est-à-dire à
Hitler, des pouvoirs absolus. Drexler, humilié, fut néanmoins nommé président
honoraire ; bientôt, il ne fut même plus question de lui [19] .
Heiden compare ce succès à la victoire des Chevaliers du Roi sur les Têtes
rondes de
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