Le Troisième Reich, T1
conversation privée) ne se rendait compte des conséquences que
risquait d'entraîner leur incapacité à réagir efficacement devant les
continuels actes d'agression commis par le dictateur nazi.
Seul, Winston Churchill, en Angleterre, semblait comprendre. Nul
n'exposa les conséquences de Munich avec plus de précision qu'il ne le fit dans
son discours du 5 octobre aux Communes.
Nous avons essuyé une défaite totale et absolue... Nous
sommes au sein d'une catastrophe d'une ampleur sans seconde. Le chemin des
bouches du Danube... le chemin de la mer Noire est ouvert... L'un après l'autre
tous les pays d'Europe Centrale et de la vallée du Danube seront entraînés dans
le vaste système de la politique nazie... émanant de Berlin... Et n'allez pas
croire que cela soit une fin. Non, ce n'est que le commencement...
Mais Churchill n'était pas au gouvernement et l'on ne prit pas
garde à ses paroles!
L'abdication franco-britannique à Munich était-elle nécessaire?
Adolf Hitler n'avait-il pas bluffé?
Si paradoxal que cela puisse paraître, nous savons maintenant
qu'il convient de répondre à ces deux questions par la négative. Tous ceux des
généraux de l'entourage d'Hitler qui ont survécu à la guerre sont d'accord pour
dire que, si l'accord de Munich n'avait pas été signé, Hitler aurait attaqué la
Tchécoslovaquie le 1er octobre 1938 et ils supposent que, même si Londres,
Paris et Moscou avaient d'abord manifesté quelque hésitation, la
Grande-Bretagne, la France et la Russie auraient fini par être entraînées dans
la guerre.
Et, fait extrêmement important dans l'histoire de cette période
du Troisième Reich, les généraux allemands sont unanimes à déclarer que
l'Allemagne aurait perdu la guerre dans un délai très bref. Les tenants de
Chamberlain et de Daladier — ils formaient à cette époque la grande majorité —
soutenaient que Munich avait sauvé les pays de l'ouest, non seulement de la
guerre, mais de la défaite, et de surcroît évité que Londres et Paris ne
fussent effacés de la carte par les bombardements meurtriers de la Luftwaffe.
Mais, en ce qui concerne ces deux derniers points, l'argument a été réfuté de
façon catégorique par des gens à qui leur situation permettait d'être mieux
renseignés : je veux parler des généraux allemands, et particulièrement de ceux
qui faisaient partie de l'entourage d'Hitler et qui lui accordèrent, du début
jusqu'à la fin, le soutien le plus fanatique.
Parmi ces derniers, le plus important était le général Keitel,
chef de l'O.K.W., plat courtisan d'Hitler et constamment à ses côtés. Quand on
lui demanda, au Procès de Nuremberg, quelles avaient été les réactions des
généraux allemands à Munich, il répondit :
Nous étions extrêmement heureux qu'on n'en soit pas venu à
une solution militaire, car... nous avions toujours estimé que nos moyens
d'attaque contre les fortifications de la frontière tchèque étaient
insuffisants. D'un point de vue purement militaire, nous ne possédions pas les
moyens nécessaires pour lancer une attaque qui nous eût permis de percer les
défenses (91).
Les experts militaires alliés ont toujours estimé que, pour
l'armée allemande, la campagne de Tchécoslovaquie n'aurait été qu'une
promenade. Mais à ce témoignage de Keitel qui, lui, affirme le contraire, il
faut ajouter celui du feld-maréchal von Manstein qui fut, au cours de la
guerre, l'un des plus brillants chefs militaires allemands. Quand, à son tour,
il témoigna à Nuremberg (au contraire de Keitel et de Jodl, il ne risquait pas
la peine capitale) sur la situation de l'Allemagne à l'époque de Munich, il expliqua
:
Si la guerre avait éclaté, notre frontière de l'ouest pas
plus que notre frontière avec la Pologne n'auraient pu être efficacement
défendues et il est hors de doute que si la Tchécoslovaquie avait résisté, nous
aurions été arrêtés par ses fortifications, car nous n'avions pas les moyens de
les percer (92). [140]
Jodl, le « cerveau » de l'O.K.W., quand il présenta sa propre
défense à Nuremberg, s'exprima en ces termes :
Avec cinq divisions d'active et sept divisions de réserve
dans les fortifications de l'ouest (qui n'étaient alors qu'un vaste chantier de
construction), il n'était pas question de tenir contre cent divisions
françaises. Du point de vue militaire, c'était impossible (93).
Si, comme le reconnaissent les généraux allemands, l'armée
hitlérienne manquait des
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