Le Troisième Reich, T1
le docteur Krofta pour
lui remettre le texte de l'accord de Munich et lui faire en même temps savoir
que la Tchécoslovaquie était invitée à envoyer trois représentants à la
Commission Internationale chargée de surveiller l'exécution de l'accord et qui
se réunirait à Berlin le soir même, à cinq heures.
Pour le président Benès, qui conféra toute la matinée au palais
de Hradschin avec les chefs politiques et militaires, il n'y avait d'autre
choix que la soumission. Non seulement la Grande-Bretagne et la France avaient
abandonné son pays, mais elles admettaient qu'Hitler eût recours à la force
armée si le gouvernement tchèque rejetait les conditions stipulées à Munich. A
une heure moins dix, la Tchécoslovaquie capitulait « en protestant à la face du
monde », selon les termes de la déclaration officielle : « Nous avons été
abandonnés, nous demeurons seuls », dit amèrement le général Sirovy, le nouveau
premier ministre, dans une déclaration radiodiffusée, le soir à cinq heures.
Jusqu'au tout dernier moment, la Grande-Bretagne et la France
continuèrent d'exercer leur pression sur le pays qu'elles avaient séduit et
trahi. Pendant la journée, les ministres britanniques, français et italien
s'étaient rendus auprès du docteur Krofta pour s'assurer qu'à la dernière
minute les Tchèques ne se révolteraient pas contre la capitulation. Le chargé
d'affaires allemand, le docteur Hencke, a décrit la scène dans une dépêche
adressée à Berlin.
Quand le ministre français tenta d'adresser quelques paroles
de condoléances à Krofta, le ministre des Affaires étrangères lui coupa la
parole : « On nous a imposé cette situation; maintenant tout est fini;
aujourd'hui c'est notre tour, demain ce sera celui des autres. » Le ministre
britannique réussit avec difficulté à dire que Chamberlain avait fait tout son
possible : il reçut la même réponse que son collègue français. Le ministre des
Affaires étrangères était très abattu et l'on voyait bien qu'il n'avait qu'un
seul désir : voir partir les diplomates au plus vite (89).
Sur les instances de Berlin, le président Benès résigna ses
fonctions le 5 octobre et, quand il devint évident que sa vie était en danger,
il prit l'avion pour l'Angleterre — et du même coup le chemin de l'exil. Il fut
remplacé provisoirement par le général Sirovy. Le 30 novembre, le docteur Emil
Hacha, président de la Cour suprême, un homme de soixante-six ans, plein de
bonnes intentions, mais faible de caractère et amoindri par l'âge, fut nommé
par l'Assemblée nationale président des débris de la Tchécoslovaquie, dont le
nom s'écrivait maintenant officiellement avec un trait d'union.
Ce que Chamberlain et Daladier avaient négligé de donner à
l'Allemagne en territoire tchécoslovaque, la prétendue Commission
internationale le lui remit. Cet organisme créé à la hâte se composait des
ambassadeurs italien, britannique et français, du ministre tchèque à Berlin et
du baron von Weizsaecker, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères
allemand. Toutes les questions litigieuses relatives aux territoires à céder
aux Allemands furent réglées en faveur de ces derniers, non sans qu'Hitler et
l'O.K.W. aient plus d'une fois menacé de recourir à la force. Finalement, le 13
octobre, la commission décida de renoncer aux plébiscites prévus par l'accord
de Munich dans les districts contestés : ils étaient devenus inutiles.
Les Polonais et les Hongrois, après avoir menacé, eux aussi, de
recourir à l'action militaire contre la nation réduite à l'impuissance,
s'abattirent maintenant comme des vautours sur la Tchécoslovaquie pour
s'emparer, eux aussi, d'un lambeau de son territoire. La Pologne, sur les
instances de son ministre des Affaires étrangères, Josef Beck, qui, pendant les
douze mois suivants sera l'un des principaux héros de ce récit, s'appropria
environ 1 700 kilomètres carrés de territoire autour de Teschen, avec une
population de 228 000 habitants, dont 133 000 étaient Tchèques. La Hongrie
obtint un plus gros morceau, qui lui fut adjugé le 2 novembre par Ribbentrop et
Ciano : 19 500 kilomètres carrés, avec une population composée de 500 000
Magyars et de 272 000 Slovaques.
Enfin cette nation mutilée et désormais sans défense fut
contrainte par Berlin de nommer un gouvernement pro-allemand, de tendance
nettement fasciste. De toute évidence, la nation tchécoslovaque était
dorénavant à la
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