Le Troisième Reich, T1
l'occupation militaire des deux pays tchèques, la Bohême et
la Moravie. Le 21 octobre 1938, nous l'avons vu, Hitler avait donné ordre à la
Wehrmacht de se tenir prête à opérer cette liquidation [149] .
Le 17 décembre, le général Keitel rédigeait ce qu'il a appelé « un supplément à
la directive du 21 octobre ».
Ultra-Secret
En ce qui concerne la « liquidation de l'État moignon
tchécoslovaque », le Führer a donné les ordres suivants :
L'opération doit être préparée en se fondant sur
l'hypothèse que nos troupes ne se heurteront pratiquement à aucune résistance.
Au regard de l'étranger, il doit paraître évident qu'il
s'agit en l'occurrence d'une action pacifique et nullement d'une entreprise
belliqueuse.
L'opération doit donc être réalisée uniquement par les
effectifs du temps de paix, sans qu'ils aient été renforcés par une
mobilisation (14).
En dépit des efforts qu'il faisait pour se concilier les bonnes
grâces d'Hitler, le nouveau gouvernement pro-allemand de la Tchécoslovaquie dut
bientôt se rendre compte, vers le début de la nouvelle année, que les jours de
son pays étaient comptés. A la veille de la Noël 1938, le cabinet tchèque, pour
donner au Führer une satisfaction de plus, avait dissous le Parti communiste et
suspendu tous les professeurs juifs enseignant dans les écoles allemandes. Le
12 janvier 1939, Chvalkovsky, ministre des Affaires étrangères, dans un message
à son collègue allemand, affirmait que son gouvernement s'efforcerait de
prouver sa fidélité et sa bonne volonté en se conformant sans restrictions aux
désirs du Führer. Le même jour, il attirait l'attention du chargé d'affaires
allemand à Prague sur les rumeurs selon lesquelles « l'incorporation de la
Tchécoslovaquie au Reich était imminente (15) ».
Anxieux de se rendre compte si les débris au moins de son pays
pouvaient être sauvés, Chvalkovsky obtint non sans peine d'être reçu par Hitler
à Berlin, le 21 janvier. Il se déroula alors une scène pénible, moins pénible
cependant pour les Tchèques que celle qui allait suivre bientôt. Le ministre
des Affaires étrangères tchèque s'humilia devant le puissant dictateur
allemand, qui était ce jour-là d'humeur particulièrement brutale. La
Tchécoslovaquie, dit Hitler, avait été sauvée de la catastrophe grâce à « la
modération de l'Allemagne ». Néanmoins, si les Tchèques ne faisaient pas preuve
de dispositions meilleures, il les « anéantirait ». Ils devaient oublier leur «
histoire » — tout cela n'était que « sottises à l'usage des écoliers » — et
faire ce que leur ordonnaient les Allemands.
C'était leur seule chance de salut. La Tchécoslovaquie devait
quitter la S.D.N., réduire considérablement l'importance de son armée «
puisque, de toute manière, elle ne comptait pas », adhérer au pacte
anti-komintern, accepter les directives de l'Allemagne en matière de politique
étrangère, conclure avec l'Allemagne un accord commercial préférentiel,
stipulant, en particulier, qu'aucune nouvelle industrie tchèque ne serait créée
sans le consentement de l'Allemagne [150] ,
chasser tous les fonctionnaires et directeurs de journaux hostiles au Reich et
enfin déclarer les Juifs hors la loi, comme l'avait fait l'Allemagne aux termes
des lois de Nuremberg (« Avec nous, les Juifs seront détruits », déclara Hitler
à son visiteur).
Le même jour, Chvalkovsky se vit imposer de nouvelles
exigences par Ribbentrop, qui le menaça de « conséquences catastrophiques » si
les Tchèques ne modifiaient pas immédiatement leur attitude et ne faisaient pas
ce qu'on leur ordonnait. Le ministre des Affaires étrangères allemand, servile comme un laquais en présence d'Hitler, mais qui se
conduisait en butor et en tyran avec tous ceux sur qui il détenait quelque
autorité, ordonna à Chvalkovsky de ne pas informer la Grande-Bretagne et la
France des nouvelles exigences de l'Allemagne, mais de les satisfaire sans plus
tarder (17).
Et cela sans s'inquiéter d'une garantie allemande relative aux
frontières tchèques! Il semble bien qu'à Paris et à Londres on ne s'en était
pas davantage inquiété jusqu'alors. Quatre mois s'étaient écoulés depuis
Munich, mais Hitler n'avait toujours pas tenu sa parole, ni joint la garantie
de l'Allemagne à celle de la France et de la Grande-Bretagne. Finalement, le 8
février, une « note verbale » anglo-française fut présentée à Berlin; les deux
gouvernements
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