Le Troisième Reich, T1
faisaient savoir « qu'ils seraient maintenant heureux de
connaître le point de vue du gouvernement allemand quant au meilleur moyen de
donner suite à l'accord conclu à Munich en ce qui concerne la garantie de la
Tchécoslovaquie (18) ».
Comme le prouvent les documents des Affaires étrangères saisis,
Hitler rédigea lui-même la réponse, qui fut donnée le 28 février seulement. Il
était encore trop tôt, disait-il, pour que l'Allemagne puisse donner cette
garantie. Il lui fallait « attendre d'abord que soit mis au point le
développement intérieur de la Tchécoslovaquie (19) ».
Déjà le Führer procédait à ce «
développement intérieur » dans un but clairement déterminé. Le 12 février, il
reçut à la Chancellerie de Berlin le docteur Vojtech Tuka, l'un des leaders
slovaques, qu'un long emprisonnement avait laissé plein d'amertume contre les
Tchèques [151] .
S'adressant à Hitler en l'appelant « Mon Führer », comme
le fait remarquer le mémorandum secret allemand, le docteur Tuka suppliait le
dictateur d'aider la Slovaquie à devenir indépendante et libre : « Je remets
entre vos mains la destinée de mon peuple, mon Führer, déclarait-il;
mon peuple attend de vous sa libération totale. »
Hitler lui donna une réponse assez évasive. Malheureusement,
dit-il, il n'avait pas bien compris le problème slovaque. S'il avait su que les
Slovaques désiraient leur indépendance, il aurait réglé cette question à
Munich. « Ce serait pour lui un soulagement de savoir que la Slovaquie était
devenue indépendante... Il était prêt à garantir l'indépendance de la Slovaquie
n'importe quand, même sur-le-champ... » Paroles réconfortantes pour le
professeur Tuka (20). « Ce fut, déclara-t-il par la suite, le plus beau jour de
ma vie. »
Le rideau pouvait maintenant se lever sur le second acte de la
tragédie tchécoslovaque. Par suite d'une de ces cruelles ironies du sort si
fréquentes dans ce récit, ce furent les Tchèques de Prague qui firent relever
le rideau plus tôt qu'on n'aurait pu le prévoir. Au début du mois de mars 1939,
ils se trouvèrent en face d'un terrible dilemme. Les mouvements séparatistes en
Slovaquie et en Ruthénie, fomentés, nous l'avons vu, par le gouvernement
allemand (et, en Ruthénie, également par la Hongrie, avide d'annexer ce petit
territoire), avaient atteint une telle ampleur que, s'ils n'étaient pas
réprimés, la Tchécoslovaquie ne tarderait pas à être démembrée. Auquel cas
Hitler occuperait certainement Prague. Si le gouvernement central réprimait les
menées séparatistes, alors le Führer, tout aussi
certainement; prendrait prétexte des troubles qui s'ensuivraient pour entrer
dans Prague.
Après avoir longuement hésité, et seulement quand la provocation
devint intolérable, le gouvernement tchèque choisit la seconde solution. Le 6
mars, le docteur Hacha, président de la Tchécoslovaquie, prononça la
dissolution du gouvernement autonome slovaque. Le lendemain, il ordonnait
l'arrestation de Mgr Tiso, le premier ministre slovaque, du docteur Tuka et de
Durcansky, et proclamait la loi martiale en Slovaquie. La seule initiative
courageuse de ce gouvernement, si servile jusqu'alors
devant Berlin, n'allait pas tarder à déclencher la catastrophe qui l'abattit.
L'action rapide du chancelant gouvernement de Prague prit Berlin
au dépourvu. Gœring était parti se reposer au soleil à San Remo, Hitler se
préparait à partir pour Vienne, où l'on allait célébrer le premier anniversaire
de l'Anschluss. Mais, sans plus tarder, le Führer, grand
maître dans l'art de l'improvisation, se mit fiévreusement à l'ouvrage. Le 11
mars, il décida de s'emparer de la Bohême et de la Moravie, par le moyen d'un
ultimatum. Le texte en fut rédigé le jour même, sur son ordre, par le général
Keitel et envoyé aux Affaires étrangères allemandes.
Les Tchèques seraient invités à « accepter sans résistance
l'occupation militaire (21) ». Pour le moment toutefois, le document demeurait
« un secret militaire absolu ».
Pour Hitler, le temps était venu de « libérer la Slovaquie ».
Karol Sidor, qui représentait le gouvernement autonome slovaque à Prague, fut
désigné par le président Hacha pour devenir premier ministre à la place de Mgr
Tiso. Revenu à Bratislava, siège du gouvernement slovaque, le samedi 12 mars,
Sidor réunit son nouveau cabinet. A dix heures du soir, la séance du
gouvernement slovaque fut interrompue par des
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